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‘Idiopathie’, Premier roman d’amour et de
vaches défraichies, bijou d’humour anglais
Norfolk, Angleterre, quelques trentenaires liés par des souvenirs pas si bons
et englués dans une époque moribonde, où la maladie inexpliquée qui s’abat
sur les bovins locaux rend l’absurdité du quotidien pathétique mais aussi
drolatique – le tout vu par une trentenaire anglais dont c’est le premier
roman : Britishly delicious !
L’ouverture est
grandiosement drôle. Autour de la table, chez sa mère à Norwich, dans le Nord
de l’Angleterre, Katherine et quelques membres de la famille proche sont réunis
pour un déjeuner dominical rituel, un de ceux tant honnis par Katherine. A une
trentaine d’année, fraîchement redevenue célibataire après sa rupture avec
Daniel qui l’avait fait quitter Londres pour Norwich, Katherine se laisse plus
que jamais aller à sa vraie nature : un profond cynisme. Alors que sa mère
fait tourner les photos de famille rangées dans son précieux portefeuille
acquis à Londres, chez Liberty, autant pour frimer que pour ramener la
discussion sur son ex-mari, le père de Katherine et de sa sœur Hazel,
Katherine, qui réalise qu’elle n’y figure pas, se promet pourtant de ne jamais
finir comme sa mère.
Mais une fois
revenue à son boulot qui l’ennuie et ses derniers amants attrapés au bureau
puis presque tous rejetés, Katherine doit bien s’avouer que c’est mal parti.
Peut-être en rejetant toute forme d’amour ou de douceur ? C’est ce qu’elle
s’applique à faire en poursuivant une pauvre liaison avec Keith, le
quadragénaire nymphomane du bureau, pendant qu’elle se demande si son ex,
Daniel, l’a totalement oubliée… Une attitude qui ne la mène qu’à la déprime et
à se figer devant son téléviseur, empli par la dernière catastrophe de ce 21ème
siècle cynique et pré-apocalyptique, ‘la transe idiopathique bovine’ qui s’abat
sur le bétail et menace de se transmettre à d’autres espèces…
Pendant ce
temps-là Avec son travail confortable, et sa nouvelle copine, la hippie et
optimiste Angelica, Daniel semble s’en sortir mieux, enfin, il semble. Tout
cela va pouvoir se confirmer ou pas lorsque réapparaît dans leur vie Nathan,
leur seul ami commun, ancien dealeur de drogue et organisateur de rave party
autodestructeur, qui sort d’un séjour en hôpital psychiatrique… Nathan va
réunir Katherine et Daniel autour de lui, pour le meilleur et pour le pire.
Bijou de style et
arsenal d’humour, ‘Idiopathie’ est à la fois ultra-cynique et attendri sur ces
personnages, une prouesse. Alors qu’on doute de tout et surtout de la
possibilité du bonheur de ces trentenaires, de tout trentenaire de notre
génération de fait, et que l’on se moque de leur tentative pour tout de même
essayer d’y parvenir, on ne parle au fond que d’amour et de solitude. Comme
Daniel qui constate qu’il aime sa nouvelle copine par ‘c’était atroce’ car ‘l’amour
avec son cortège de rembourrage informe et de protection moelleuse, avait enflé
entre eux comme un airbag dans un accident de voiture’, mais déjà mieux que
‘l’anti-idéologie version terre brûlée
caractérisant la vision du monde de Katherine’.
Dans ce bout de
monde oublié, ce village que méprise Katherine, cette ville de province
ultra-occidentale, avec ses supermarchés remplit d’aliments douteux et ses
multi-nationales aux larges parkings squattés par des altermondialistes aux
discours creux, se joue un petit drame local mais universel, où ceux qui
croyaient aimer mieux dévoilent leurs petites lâchetés, et où les cœurs les
plus durs prennent le rôle d’âmes pures et probes, dans un monde où l’honnêteté
n’a plus de valeur, le nôtre…
La définition
d’Idiopathie par Byers est une ‘maladie qui apparaît spontanément ou dont
les causes restent non identifiées’, un peu comme le vague à l’âme de ces
jeunes qui ont tous mais ne veulent rien, ou la dureté de leurs parents qui
refusent de se voir voler la vedette du bonheur et de l’amour par leur
progéniture. Un monde plein d’idiots et de vaches en souffrance, tellement
cynique qu’il en devient hilarant sous la plume du jeune romancier qui raille à
merveille les défauts de ses compatriotes et surtout de sa génération, une
forme d’humour bien plus britannique que continentale dans nos rentrées
littéraires. Sam Byers est la nouvelle plume dont tout le monde parle
outre-Manche !
Mélissa Chemam
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Sam Byers, Idiopathie
Premier roman
Seuil, 352 pages, 21.5€
Traduit de l'anglais (GB) par
Nicolas Richard
Sortie le 22 août 2013