Brexit explained – En français
Update: 20 mars 2019
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Sur la date du 29 mars…
Cette date est censée être celle de la sortie officielle du Royaume-Uni hors de l’Union Européenne. Négociée après le référendum du 23 juin 2016, elle est rapidement devenue intenable car l’UE et le Royaume-Uni devaient d’abord se mettre d’accord sur certains termes définissant leurs futures relations. Or, aucun accord définitif n’a été trouvé, car celui négocié par la Premier Ministre Theresa May avec Bruxelles ne cesse d’être rejeté par le Parlement britannique (pour la dernière fois la semaine du 11 mars 2019). Il ne satisfait personne, ni les ultras du Brexit, ni les pro « Remain », encore très nombreux ; ni les Tories qui le trouvent compliqués et incertains ; ni le DUP nord-irlandais unionistes ; ni le Labour Party qui veut mettre fin à l’austérité mise en place par le gouvernement actuel.
Depuis janvier 2019, la date du 29 mars semble donc intenable. Et Theresa May a demandé à Bruxelles un délai supplémentaire, jusqu’à fin juin. Ce à quoi l’Union européenne a répondu le 20 mars qu’elle a besoin de savoir pourquoi le pays souhaite un délai, sinon elle ne pourrait lui accorder de rester dans l’Union que jusqu’aux élections européennes en mai 2019…
Après cette date (ou une autre, si la sortie est repoussée comme c’est probable), doit s’ouvrir la véritable période de négociations sur le type de relations, notamment commerciales, entre le pays et l’UE pour les années à venir. Certains parlent d’une situation proche de celle de la Norvège, d’autres députés souhaitent que le Royaume-Uni reste dans l’union douanière européenne, pour ne pas payer de taxes à la consommation. Sinon, tous les accords devraient potentiellement être renégociés, ce qui pourrait prendre des années ! Si ces accords ne sont pas trouvés, les Britanniques pourraient perdre leurs droits de résidence et de travail dans l’UE et les Européens les mêmes droits au RU. Toutes les régulations commerciales devront aussi être renégociées. Et de nombreuses entreprises européennes et extra-européennes ayant un siège en Angleterre seront largement pénalisées financièrement et fiscalement si elles restent sur le territoire britannique.
Sur les blocages dans les négociations entre l’UE et la Grande Bretagne…
Beaucoup de choses mais surtout les négociations sur l’accord ont bloqué sur certains points en particulier, dont la place du RU dans l’Union douanière européenne, le sort des travailleurs étrangers, la question de la frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, territoire britannique.
Sur la frontière avec l’lrlande et les cas des Ecossais…
Le cas de la frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord est très problématique. Surtout que plus de 50% des Irlandais du Nord ont voté contre le « Brexit ».
L’Irlande du Nord ayant été en guerre pendant des décennies, c’est l’UE qui a permis le succès de l’accord de paix du Vendredi Saint (The Good Friday Agreement), en 1998. Et l’absence de frontière entre les deux parties de l’île a enfin permis de la pacifier. Les deux Irlandes ne souhaitent dont pas voir revenir la frontière. Les Irlandais du Nord, qui sont britanniques et les Irlandais de la République d’Irlande voyagent presque tous quotidiennement des deux côtés, travaillent et vivent avec l’autre communauté. Or, si le RU quitte l’EU, cette frontière deviendra la frontière la plus occidentale de l’Union et donc une zone de trafic à haut risque, comme la frontière entre la Pologne et l’Ukraine.
Donc l’Union réclame une frontière, ce que personne ne veut sur place. Le gouvernement britannique a proposé la solution du « back stop », c’est-à-dire une absence de frontière fermée pendant une durée déterminée, mais personne n’est d’accord sur cette durée, ni sur la façon de contrôler les passages de biens et de personnes sans frontière ni douanes… Les Unionistes irlandais refusent l’idée d’un back stop indéterminé qui remettrait à long terme en cause l’appartenance de l’Irlande du Nord au Royaume-Uni.
Je me suis rendue à plusieurs reprises en Irlande du Nord pour réaliser des reportages à ce sujet. La question est très problématique sur place car l’île est petite et la plupart de ses habitants ne se rendent jamais en Grande-Bretagne mais souvent dans l’autre partie de l’île d’Irlande. Cela crée déjà des tensions et risque de supprimer de nombreux emplois, des sources d’approvisionnement, etc. Or l’Irlande du Nord est largement dépendante des importations. Certains craignent la résurgence du conflit et des revendications d’indépendances de Irlandais du Nord ou de rattachement de l’Irlande du Nord à la République d’Irlande.
En ce qui concerne l’Ecosse, où je suis allée à deux reprises depuis juin 2016, plus de 62% de la population a voté contre le Brexit, et la région est généralement et de longue date très pro-européenne. Elle dispose d’une large autonomie et de son propre parlement, et sa politique diffère souvent de celle de Londres. Les tensions sont donc récurrentes et beaucoup d’Ecossais souhaitent obtenir l’indépendance, et - si le Brexit se produit enfin - demander à réintégrer l’UE. En 2014, les Ecossais avaient organisé un référendum sur cette indépendance et le « non » l’a emporté à 55%. Mais à présent, les raisons de désirer une séparation sont bien plus nombreuses et de plus en plus de députés demandent un second référendum. Le sentiment général est que l’Ecosse veut désormais quitter le Royaume-Uni, ce qui mettrait fin à une union datant de plus de trois siècles (1707), soit bien plus longues que l’unité de la Belgique, de l’Allemagne ou de l’Italie par exemple.
Sur les conséquences potentielle de cette situation au Royaume-Uni…
Ils sont nombreux. D’abord les habitants des régions les plus pauvres, qui risquent de perdre les fonds d’aide de l’UE, dont la Cornouaille dans le sud-est de l’Angleterre, et le sud du Pays de Galle, des zones agricoles appauvries. Puis les régions désindustrialisées du nord de l’Angleterre, où le chômage est déjà plus élevé qu’ailleurs. Et bien sûr, les 3 millions d’Européens qui vivent au Royaume-Uni et risquent de perdre tous leurs droits : droit de travailler sans permis de travail, liberté de circulation, droit au regroupement familial, etc. Cela affecte des secteurs fragiles de l’économie britanniques, comme les centres de santé, où les emplois de base, comme les aides-soignants, sont largement fournis par des travailleurs européens. De plus, de nombreuses entreprises, notamment américaines et chinoises, ont déjà délocalisé leurs sièges sociaux pour les installer dans une ville de l’EU comme Bruxelles ou Paris, car elles commercent avec les 27 bien plus qu’avec la GB seule. Cela entraîne de nouvelles pertes d’emploi.
Sur les conséquences potentielle pour le reste de l’Europe…
Les négociations entre l’UE et la GB se sont révélées poussives et négatives, ce qui ne peut qu’affaiblir l’UE intérieurement mais aussi diplomatiquement. Les velléités d’indépendance de l’Ecosse et le problème de la souveraineté britannique sur Gibraltar en Espagne ont réveillé les questions catalanes et basques, peut-être même corses. Mais ce qui est sûr est que la situation a probablement découragé tous les autres Etats-membres d’envisager un retrait et discrédité les promesses de retrait sans encombre ou libérateur, telles celle de François Asselineau ou Marine Le Pen. Le Brexit est devenu un véritable cauchemar pour les Britanniques, occupant l’essentiel du débat public, à un moment où de nombreux activistes espéraient combattre le changement climatique ou l’évasion fiscale…
Sur la position du Labour Party
Je participe à un podcast sur le Brexit, Remainiacs et le sujet y est brûlant. Le dirigeant du parti travailliste, Jeremy Corbyn fait campagne contre l’austérité du gouvernement actuel mais pas vraiement contre le Brexit. Il a toujours été frileux quant à l’UE et beaucoup lui reproche d’avoir imposé ses sentiments anti-européens à tout le parti, dont les membres et les députés sont, selon tous les sondages, à plus de 80% pro-européens. Le leader défend une ligne protectrice des ouvriers et donc contre les grandes entreprises, et pense qu’au fond sa politique serait plus simple à mettre en place hors de l’UE. Cependant, le Brexit a provoqué une chute de la livre sterling et un départ de nombreux investisseurs, entraînant un cercle vicieux pour l’économie. Plusieurs députés ont donc quitté le parti début mars. Le numéro deux du parti a promis de soutenir l’idée d’un second référendum, qui est promue par les Libéraux Démocrates et de nombreuses associations depuis plus d’un an, mais même à ce sujet le Labour se montre divisé, et Corbyn toujours frileux.
Sur un second référendum…
Le groupe nommé « Best for Britain » et la campagne pour un « People’s Vote » appellent en effet à un second référendum sur le Brexit, qui proposerait peut-être plusieurs options dont celle de rester dans l’Union européenne. Ils sont soutenus par les « Lib Dems » et une large partie de la société civile, surtout dans les grandes villes. Ils font campagne tous les jours devant le Parlement et dans d’autres villes. Ils ont organisé une manifestation le 20 octobre dernier, qui a réuni près de 800 000 personnes à Londres, et une autre à nouveau le 23 mars. Mais pour l’instant, le gouvernement refuse obstinément un second référendum.
Cependant, si l’accord de sortie de Theresa May est rejeté de nouveau, un second référendum pourrait se révéler la seule solution efficace et démocratique pour sortir de l’impasse. Et le gouvernement britannique devrait alors demander un report de la date de sortie, à fin juin, mais dans ce cas, le pays serait dans l’obligation de participer aux élections européennes de mai 2019. Ce qui rajoute un défi supplémentaire, et non des moindres.
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Mélissa Chemam est une journaliste indépendante, bilingue, basée à Londres, travaillant régulièrement pour la BBC, la radio allemande Deutsche Welle, la radio canadienne CBC, le magazine anglais The Bristol Cable, entre autres média. Après avoir été correspondante à Miami, Londres, Nairobi, puis Bangui, elle a été basée à Bristol entre 2015 et 2016, et voyage régulièrement en Italie, France et Afrique du Nord. Elle est également auteur et chargée de recherche et a travaillé sur plusieurs films du réalisateur haïtien Raoul Peck. Son livre sur la culture née dans la ville de Bristol, En dehors de la zone de confort - de Massive Attack à Banksy, a été publié en 2016 en France et en 2019 au Royaume-Uni.