30 juin 2023
Depuis quelques jours, la banlieue parisienne fait à nouveau la une des journaux du monde entier.
Parce que Nahel, 17 ans, a été tué mardi au volant d’une voiture lors d’un contrôle routier mené par deux motards de la police près de Paris.
Cette violence policière a été filmée et la vidéo postée sur les réseaux sociaux, ce qui a provoqué des émeutes dans de nombreux quartiers populaires.
En réponse, le président Macron a d'abord déclaré cette mort intolérable, puis appelé au calme.
Finalement, son gouvernement a décidé d'envoyer près de 40.000 agents, déployés depuis à travers le pays, par crainte de nouveaux heurts...
La ville de Clamart, près de Paris, même a imposé un couvre-feu.
Des images continuent pourtant de montrer de partout des officiers de police insultant les jeunes des quartiers où ils sont envoyés.
La confrontation, dans des banlieues où les jeunes ne font plus confiance à la police française, où des rapports montrent que celle-ci fait souvent preuve de harcèlement, ne fait qu'enflammer la situation.
Le policier auteur du tir mortel a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire. Selon son avocat, il est dévasté, et a demandé pardon à la famille de Nahel...
*
J'ai commencé à poster des liens sur ce blog, tenu en anglais depuis 2010, pour apporter des éléments moins souvent mentionnés dans les médias.
Née à Paris, j'ai grandi à Colombes, à côté de Nanterre, où j'ai passé mon baccalauréat par exemple, où vivait certains de mes copains de lycée, et où se trouve le plus important théâtre public dans notre département par exemple.
Hier, une "marche blanche" a été organisée dans la ville par la famille de Nahel, et des soutiens de diverses associations.
Nanterre est un "hub" important pour l'ouest parisien, très peuplé, également centre de nombreux sièges sociaux de grandes entreprise, proche de La Défense.
J'ai forcément été touchée par la nouvelle de la mort de ce jeune Nahel M, à 17 ans, tué en pleine journée, dans nos rues, près de la Préfecture de Nanterre, par un policier qui le soupçonnait de conduire sans permis...
Depuis, beaucoup de journaux, hommes politiques et autres privilégiés qui ne vont sûrement jamais à Nanterre se sont déchaînés pour qualifier les manifestations qui ont suivi de "coeur du problème".
Pourtant, le problème est clairement qu'un policier français ait tué un jeune homme sans être lui-même menacé.
Ce matin, vendredi 30 Juin 2023, l'ONU a demandé à la France de se pencher "sérieusement" sur les "profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale" au sein des forces de l'ordre, trois jours après la mort de cet adolescent tué des mains d'un policier, on le rappeler, censer nous protéger.
La France doit se pencher sur « les profonds problèmes de racisme parmi les forces de l’ordre », et sur les « profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre », selon Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme lors du point de presse régulier de l’ONU à Genève.
Les sociologues travaillant sur les quartiers pauvres et la police ne cessent aussi de rappeler les différences de traitement, et de noter que le nombre de morts dues à la police en France est nettement supérieur à celui de tous les autres pays d'Europe.
>> Quelques liens en français pour ceux qui veulent en savoir plus :
«C’est le moment pour le pays de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre», a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, lors du point de presse régulier de l’ONU à Genève (Suisse).
En France et en Allemagne, deux conceptions de la police
Il existe aussi des cas de violences policières en Allemagne. En revanche, elles débouchent rarement sur des émeutes dans les banlieues.
Ce qui est attendu ou demandé à la police dépend bien sûr aussi de la forme de l'Etat. En Allemagne, par exemple, la dictature du IIIe Reich et celle en Allemagne de l'Est ont aussi marqué les pratiques et les esprits.
Pour Dieter Gosewinkel, historien et juriste à l'Université libre de Berlin (FU), la relation établie entre la police et la population est fondamentale pour limiter le degré de violence policière aussi.
Pour résumer : plus une police est répressive, plus elle doit faire face à de l'animosité de la part des civils, ce qui l'incite à recourir à la violence. "Si la police – ou la gendarmerie – est attaquée de manière très grave comme je le vois en France, elle se sent légitimée à utiliser des "armes de guerre", plus violentes, déclare Dieter Gosewinkel.
"C'est un cercle vicieux, une relation réciproque. En Allemagne, parce que la provocation, le défi, à mon avis, est moins grand, la police peut utiliser des armes moins lourdes. Et c'est aussi à cause de ça que la police allemande est regardée avec moins de peur et moins de haine", précise-t-il.
Andrea Kretschmann, professeure de sociologie de l'Université Leuphana à Lüneburg et chercheuse associée au Centre Marc Bloch, rappelle aussi que l'endroit où l'adolescent est mort, la banlieue de Nanterre près de Paris, n'est pas anodin :
"Il faut bien voir que la police française est envoyée dans les banlieues comme une sorte de pompiers. Ce sont des endroits où les problèmes sociaux profonds ne sont pas du tout pris en compte alors qu'ils seraient en fait du ressort de la politique", estime Andrea Kretschmann.
Par ailleurs, la chercheuse insiste sur l'importance de la formation des forces de police pour éviter l'escalade de la violence. Or, en France, les policiers sont entraînés, dit-elle, à toujours s'attendre au pire, à ce que "n'importe quelle situation bénigne puisse devenir dangereuse".
L’auteure démontre de manière convaincante que la race, le fait de racialiser, de placer toute une catégorie de personnes dans un rapport de pouvoir, comme l’indique le titre du livre, tue deux fois.
Elle tue une première fois en touchant à l’intégrité physique de la personne victime, et tue une deuxième fois dans le coup psychique porté par le traitement institutionnel qui ignore systématiquement la nature raciste du crime.
C’est dans cette perspective que l’auteure propose de répondre à deux questions intrinsèquement liées :
-quels sont les mécanismes qui conduisent certains à la mort ?
-Du côté de l’État, quels arguments ont été employés pour réfuter la prise en compte du mobile raciste ?
Selon R. Brahim, la réponse nécessite d’analyser l’appareil judiciaire et législatif français qui, en faisant alterner principes universels et lois particulières, participe à la production et au maintien des catégories raciales.
Le racisme structurel repose justement sur ce processus contradictoire de racialisation et de déracialisation par le droit.
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