Avec un peu de retard, le lien vers mon reportage sur la lutte pour l'accès au droit à l'avortement en Irlande du Nord, dans le cadre de cette émission sur Marie Curie de la Deutsche Welle, diffusée le 8 mars dernier - toujours d'actualité :
http://p.dw.com/fr/hommage-à-marie-curie/av-37558606
Hommage à Marie Curie
A l'occasion de la journée internationale de la femme, célébrée tous les ans le 8 mars, portrait de Marie Curie. Physicienne et chimiste, elle est pour le moment la première et la seule femme à avoir décrocher deux Prix Nobel pour des travaux scientifiques // Droit d'avorter, droit contesté : reportage de Melissa Chemam en Irlande du Nord.
Un graffiti de Belfast en faveur des droits des homosexuels.
Les mouvements féministes et LGBT sont très proches en Irlande du Nord
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Depuis l’accord de paix en Irlande du Nord, la région du
Royaume-Uni a retrouvé une plus grande souveraineté et également perdu une
partie de la législation nationale. Depuis 1999, le pays connaît donc une
législation anti-avortement, contrairement au reste du pays, où l’avortement
est devenu légale en 1967. L’avortement n’est légal en Irlande du Nord que sous
des circonstances extrêmement restreintes.
Depuis 5 ans, les manifestations pour retrouver ce droit au
choix s’invite régulièrement dans les campagnes électorales. De plus en plus de
voix réclament au moins son assouplissement, même si la puissante Église
catholique nord-irlandaise s’oppose toujours à cette évolution.
En novembre dernier, le cas d’une jeune Nord-Irlandaise de
15 ans portant plainte contre la NHS, le système de santé public, a de nouveau
relancé le débat.
Jugée en Grande-Bretagne pour être allée à Manchester en
2012 afin de subir une interruption volontaire de grossesse, elle est devenue
une source d’espoir pour toutes les femmes du pays. Comme elle, 2000
Irlandaises du Nord se rendent en Angleterre chaque année pour subir une
interruption volontaire de grossesse.
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Pour pouvoir pratiquer un avortement dans un centre de
santé, une femme nord-irlandaise doit se rendre en Grande-Bretagne. Un voyage
cher et souvent traumatisant, surtout pour les plus pauvres…
Un aller-retour pour Manchester ou Liverpool peut coûter
plus de 300 livres sterling, et l’opération elle-même 600 livres.
Amnesty International a lancé une campagne mondiale il y a cinq
ans intitulée ‘My Body, My Rights’ – « mon corps, mes droits ».
Le but est de sensibiliser aux droits des femmes à l’avortement dans les pays
où celui-ci est très restreint. Et l’Irlande du Nord est un des derniers cas en
Europe…
Adrienne Peltz est leur représentante à Belfast. Selon elle,
c’est l’histoire récente du pays qui est responsable de ce blocage.
« L’Irlande du
Nord est dans une situation de post-conflit et depuis l’accord du Vendredi
Saint, la priorité a été donné au maintien de la paix donc les questions
sociales ont été oubliées. Les droits des femmes et des homosexuels sont restés
au second plan, même si des progrès ont été faits. C’est malheureux, car Amnesty
ne le dira jamais assez : les droits des femmes sont cruciaux pour le
processus de paix et on ne peut pas pérenniser la paix sans les droits des
femmes ».
Le blocage vient aussi de la situation politique. Le
gouvernement nord-irlandais est resté très conservateur depuis l’accord de
paix.
Les militants impliqués dans la lutte pour le droit à
l’avortement ont donc peu d’espoir de faire changer la loi par les députés…
L’une des méthodes qui semblent efficaces sont les procès en
cours. Plusieurs femmes ont été jugées dans le pays après avoir été dénoncées
pour s’être fait avorter.
50 ont été poursuivies ces dix dernières années.
Et plus récemment, certaines ont porté plainte contre les
services de santé pour leur refuser un droit protégé par les normes
britanniques comme européennes.
La Cour suprême de Londres pourrait ainsi avoir à répondre
dans certains cas… Comme celui de Sarah Ewart, devenu le visage de ce combat en
2015.
« Nous avons
travaillé avec Sarah Ewart, car elle a accepté de parler publiquement, et de
manière très émouvante, de sa grossesse », selon Adrienne Peltz, Amnesty International Belfast. « Elle a été diagnostiquée avec une
anormalité fœtale. Son bébé n’aurait pas survécu mais les médecins n’avaient
pas le droit de pratiquer un avortement même dans son cas et lui ont conseillé
de se rendre en Angleterre. Et elle y est allée et à son retour, elle a eu le
courage de parler de son expérience ».
Mais parce que le voyage est une option compliquée, la
plupart des Nord-Irlandaises commandent en ligne des médicaments pour pratiquer
elles-mêmes l’avortement, comme l’explique Kellie
O’Dowd, du mouvement ‘Alliance For Choice’ :
« Commander
des medicaments en ligne via les
sites ‘Women on Web’ ou ‘Women Help Women’, ces pilules coûtent 70 livres et
permettent de pratiquer la procédure chez soi, au lieu de payer près de 1000
livres et de faire face aux difficultés pratiques et émotionnelles du voyage.
Donc pour les femmes et surtout pour les plus pauvres, il n’y a pas
d’hésitation, même si c’est illégal, elles commandent ces médicaments en ligne.
Elles risquent d’être poursuivies en justice, mais ont-elles vraiment le
choix ? »
Mais si l’avortement se passe mal et qu’elles se rendent aux
urgences, elles sont souvent harcelées par les « anti-choice ».
La femme que nous allons entendre a rejoint le réseau
féministe de Belfast, mais ne parle de son avortement qu’anonymement. Elle
déplore surtout les groupes qui tentent de diviser les féministes.
« Cela a créé un
dialogue un peu malsain dans la sphère publique, entre le concept de ‘bon
avortement’ et ‘mauvais avortement’ », explique une femme et militante qui souhaite rester anonyme. « Certains militants ne soutiennent que les
femmes dont les fœtus sont anormaux et ne pourraient pas aller jusqu’au terme,
ce qui est une situation horrible, bien évidemment. Mais il existe d’autres
situations, pour d’autres femmes, qui ont d’autres raisons de ne pas vouloir
être enceintes : si elles subissent des violences de leur conjoint par
exemple, ou si elles souffrent de pauvreté. Peu importent les circonstances,
nous ne pouvons pas créer cette division entre bons et mauvais
avortements ».
En 2016, seulement 14 avortements légaux ont été pratiqués
en Irlande du Nord.
En Grande-Bretagne, le mouvement de ces femmes est soutenu
par de nombreux médecins membres de la British Medical Association, le syndicat
public des praticiens hospitaliers. Ils espèrent obtenir la légalisation
prochainement.
Surtout que selon un récent sondage d’Amnesty, 72% des Nord
Irlandais sont en faveur d’un changement de la loi.
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