04/01/2020

"The Empire strikes back": on how deeply France lives in denial of its past


A text in French for a change.

One of the reasons I'm happier in the UK is that France is deeply in denial of its colonial past, and most of my research and journalism led me to write about issues that have a link with the consequence of 4 to 5 centuries of imperialism.

These sorts of attacks against the very few researchers, historians, artists, journalists and thinkers trying to rebalance the general blind eye turned on postcolonial studies, blamed as some sort of Anglo-Saxon disease, shows that the long is long until we can have a global, national discussion on the issues, but that it will for sure come some day.

As a researcher, I've spent most of 2017 and 2018 reading Frantz Fanon's texts, his biographies, and all sorts of writing about his groundbreaking anticolonial work in French Algeria in the late 1950s and his research in and on West Africa.

I did so in a specific context: as the main researcher and content manager for Velvet Film, a cinema production company founded by the Haitian filmmaker Raoul Peck, author of films like 'Sometimes in April' on the Rwanda genocide and 'I Am Not Your Negro'.

Before then, I lived in East and Central Africa as a foreign reporter and travelled regularly to North Africa. I was also based in Miami and London, where the knowledge and understanding of Fanon's writing are completely different and deeply appreciated.

The film should be out in 2021, for the 60th anniversary of Fanon's passing.

We hope that until then, France will be ready for it.


Frantz Fanon in Tunisia in the late 1950s

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Recherche postcoloniale: "l’Empire contre-attaque" - 

L’Express aux côtés de duo Bouvet-Taguieff se lance dans une croisade contre les chercheurs postcoloniaux. Tribune au vitriol. Il y aurait urgence, l’université et la recherche seraient en péril. Il faut selon eux dénoncer ce danger, stigmatiser les livres et colloques de ces chercheurs. Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Gilles Boëtsch, directement mis en cause, leur répondent.

Que se passe-t-il dans le monde de la recherche pour que L’Express titre sur son site « Les obsédés de la race noyautent le CNRS », le 24 décembre 2019, dans un article au vitriol signé par Amandine Hirou ?
Il semble qu’il y a urgence pour certains à empêcher des chercheurs en sciences humaines, issus d’universités et laboratoires de recherche en France ou à l’étranger, de travailler sur l’histoire coloniale et les héritages postcoloniaux. Un ouvrage précis est la preuve de ce danger immédiat, il vient d’être publié aux CNRS Éditions Sexualités, identités & corps colonisés (avec une postface de Leïla Slimani), regroupant une cinquantaine de spécialistes, tous reconnus. Bien entendu, Amandine Hirou n’en cite aucun, puisqu’elle n’a semble-t-il pas lu le livre et ne connaît pas ce domaine de recherche. Il faut avant tout (et surtout) dénoncer ceux qui osent faire des recherches et des colloques sur ces objets de recherche et s’attachent à comprendre le passé colonial, comme celui organisé au CNAM le 3 décembre 2019 sous le titre Images, colonisation, domination sur les corps. 
Il existe pourtant dans le monde entier des chercheurs travaillant sur ces questions depuis des dizaines d’années, mais l’impératif serait d’empêcher les « études postcoloniales » (postcolonial studies) de pénétrer les universités françaises, dans les laboratoires de recherche. L’invasion serait proche…
Quelle conséquence ? Elles menaceraient rien de moins que de détruire l’« édifice républicain » et les « valeurs universalistes ». Le diable serait dans la place. Face à un tel danger, il faut que les chercheurs que nous sommes soient brûlés sur le bûcher de l’histoire. Nous serions des traîtres à la cause, nous aurions trahi la recherche, nous serions des « obsédés de la race », des colonies et, pour faire bonne mesure, des « bonimenteurs » selon les auteurs d'une tribune qui arrive deux jours après l'article.
En fait, tout l’article d’Amandine Hirou est un prétexte (bien entendu la journaliste n’en avait pas parlé aux personnes qui ont été interviewées), un pare-feu, une stratégie. Il vise à préparer une tribune « événement » que L’Express a publié deux jours plus tard. Le suspense commence, et le duo Bouvet-Taguieff est à la rédaction du texte, sacrifiant les fêtes de Noël pour rédiger leur pamphlet, cherchant à droite et à gauche des « preuves » de seconde main uniquement sur le web — car bien entendu, aucun des signataires n’a lu aucun des livres cités, ni participé aux colloques mentionnés, ni rencontré les chercheurs flétris par leur prose haineuse. Pour des « scientifiques » qui se targuent de déontologie, on a déjà vu plus convaincant. Chacun jugera, mais on retrouve là la bonne vieille méthode du Printemps républicain ou des radicaux indigénistes : polémiquer, énoncer des fake news, détruire des réputations… il en restera toujours quelque chose dans l’esprit du public.
Les derniers croisés des sciences morales
Ce qui est rassurant, en fin de compte, c’est justement de se dire que ces deux extrêmes — d’un côté le Printemps républicain et de l’autre les Indigènes de la République — nous désignent comme l’ennemi à abattre. L’idée est, pour eux, en fin de compte de se retrouver enfin face à face, comme au temps des colonies. Il y aurait alors le « bien » et le « mal », pas de juste milieu. C’est bien le souhait de ceux qui, se prenant pour les derniers croisés des sciences morales en nous mettant au pilori dans cette tribune publiée le 26 décembre 2019 par L’Express « Les bonimenteurs du postcolonial business en quête de respectabilité académique », que de nous faire taire et de nous faire passer pour des « chasseurs de postes académiques ».
Première réaction : ils n’ont vraiment rien à faire pendant les fêtes de Noël… Deuxième réaction : que d’amalgames, de manipulations des informations — jusqu’à utiliser un texte d’un faux chercheur, un certain Camille Trabendi, inventé pour dénigrer il y a déjà dix ans… ou d’une militante du parti des Indigènes de la République… cela ne s’invente pas. Troisième réaction : de quoi ont-ils peur ?
Pour eux, il y a « danger » car désormais le CNRS, l’université, le CNAM s’intéressent à ces questions : outrage ultime, certains imaginent pour le futur, lors du colloque du 3 décembre, « des chaires de postcolonial studies qui manquent beaucoup à notre pays ». Rien de surprenant de se pencher sur ces questions, alors que, quelques semaines plus tard, le président de la République s’interrogera lors d’un voyage en Côte d’Ivoire sur les relations entre République et colonisation... Tout cela est, pour eux, la fin de leur magistère et le risque ultime de voir des chercheurs penser de manière différente. De penser le passé colonial. De regarder autrement nos sociétés actuelles.
En fin de compte, l’alliance de ces signataires nous laisse songeurs. Autour d’un Laurent Bouvet « penseur du Printemps républicain » qui cherche à abattre tous ceux qui ne pensent pas comme lui, et de Pierre-André Taguieff, le maître d’œuvre de ce texte — L’Express écrit sous sa photographie, où il prend la pose en tenant une branche de ses lunettes sourire aux lèvres, que c’est « l’instigateur de cette tribune » —, on découvre quatre signataires : une activiste ultra-laïque comme la doctorante Isabelle de Mecquenem, mais aussi la chercheuse à l’EHESS Dominique Schnapper, l’enseignante Véronique Taquin ou la sociologue et militante anti-PACS Nathalie Heinich. Avec une volonté pour la bande des six : nous faire passer pour des anti-laïcité. Échec sur ce point, car en trente ans de projets, pas une ligne contre la laïcité, bien au contraire, comme le montre notre tribune du 19 mai 2017 sur le site de Solidarité laïque qui s’oppose à tous les fondamentalistes. Mais peu importe, il faut condamner tous nos travaux, passés et présents. Ils seraient tous médiocres et des travaux sans valeurs. Près d’une centaine de livres à mettre au pilori ! Quel joyeux feu de Noël en perspective…
En premier lieu, il y a les livres sur les zoos humains. Les signataires de la tribune s’appuient sur une critique ancienne qui ne concernait que l’introduction du livre (mais encore une fois à quoi bon lire les livres ?) pour affirmer que les « zoos humains » n’existent pas. Ce qui est amusant, c’est que l’auteur de cette critique d’alors, Claude Blanckaert, dans un livre publié en 2013, fera appel à Pascal Blanchard — un des directeurs d’édition de l’ouvrage — pour une contribution sur les mêmes zoos humains (ouvrage La Vénus hottentote : Entre Barnum et Muséum, Paris, Publications scientifiques du Muséum, 2013).
À l’époque, même si plus de soixante chercheurs et universitaires reconnus et spécialistes de ces enjeux montrent dans ce livre-référence — publié en quatre langues — l’ampleur d’un phénomène qui a touché tout l’Occident et au-delà pendant plus d’un siècle, mobilisant des centaines de millions de visiteurs, indiquant clairement que ces spectacles ethniques ont contribué à construire le racisme, il faut mettre au purgatoire ce travail issu de plusieurs années de recherche. Pourquoi ? Mais parce qu’il est un sujet novateur, qui a rencontré le succès et qu’il va à l’encontre du travail de Pierre-André Taguieff qui n’a jamais intégré ce passé — et plus largement la question coloniale — dans ses travaux (voir son dernier ouvrage « Race », un mot de trop ? ou Le racisme qui date de 1997). Au-delà des livres, il faut proscrire les expositions qui en sont le fruit — comme celle au Musée du quai Branly en 2011-2012 ou au Mémorial Acte en 2018 : Exhibitions. L’invention du sauvage —, où les films documentaires, comme celui diffusé en 2018 sur Arte, Sauvages, au cœur des zoos humains.
Le travail de dizaines de chercheurs, pendant plus de quinze ans, ne compte pas… Il faut asséner à tout prix que ce travail n’a aucune valeur. Que la plupart des chercheurs de ce projet et ouvrages ne sont pas spécifiquement dans la dynamique des études postcoloniales n’a aucune importance pour eux. Il faut éradiquer.
Seconde attaque, sur notre travail collectif portant sur l’exploitation sexuelle des esclaves et des colonisés, et la prolongation de cette exploitation dans le temps postcolonial. Objet inintéressant pour eux, l’ouvrage Sexe, race & colonies (La Découverte, avec une préface d’Achille Mbembe), qui a mobilisé une centaine de chercheurs pendant cinq ans au plan international étant à leurs yeux seulement de la « pornographie ». Mettre autant d’énergie à nier ces questions historiques a quelque chose d’effarant. Mais c’est ainsi, il faut « prouver » que tout ce que produisent les chercheurs postcoloniaux n’a aucune valeur scientifique. Des « bonimenteurs », vous dis-je !
En fait, de manière volontaire, ils mélangent chercheurs postcoloniaux et militants décoloniaux. L’idée est de brouiller les cartes et de convaincre les lecteurs (et les autorités) qu’il y a danger. Si les mouvements décoloniaux radicaux ramènent tout à la période coloniale, les auteurs de la tribune font le contraire : ils nient en bloc toute influence de l’histoire coloniale, comme si celle-ci n’avait strictement aucune influence sur la période postcoloniale et les crispations identitaires de la société française aujourd’hui. Sorte de point aveugle…
En vérité, cette vision réactionnaire n’a rien à envier aux radicaux décoloniaux racisés proches des Indigènes de la République qui, il y a un an, voulaient eux aussi nous interdire ces champs de recherche — à l’occasion précisément de l’ouvrage Sexe, race & colonies (La Découverte) —, au nom du fait que ce territoire de recherche devait leur être réservé — nous n’étions pas assez « racisés » à leurs yeux — et qu’il ne fallait pas montrer les images de la domination sexuelle aux colonies (voir notamment la tribune d’un collectif afro-féministe Cases rebelles proche des Indigènes de la République).
Tribunes, textes polémiques, insultes se sont succédé durant plusieurs mois pour asséner que cet ouvrage était illégitime (notamment parce que les directeurs de l’ouvrage étaient blancs) ou inacceptable dans sa démarche (Laurent Fourchard). Voici maintenant le tour des ultra-républicains de nous attaquer, avec les mêmes méthodes. Lorsque vous vous trouvez au centre d’une échiquier dont les extrêmes sont occupés par de tels idéologues – décoloniaux et ultra-républicains –, vous êtes en droit de penser que vous êtes proche de la « vérité ».
Notre réponse, aux uns comme aux autres, est identique : laissez-nous travailler. Nous l’avons formulée en direction des décoloniaux radicaux et aux donneurs de leçons moralistes, notamment dans plusieurs textes et réponses (AOC, L’Obs, The Conversation, Libération, Le Monde...), ou sous la plume de Christiane Taubira qui indiquait dans Le Monde du 14 février 2019, que « Le livre “Sexe, race & colonies” restera une référence ». Et, nous vous le confirmons, nous allons poursuivre nos recherches, publier des livres — dans 15 jours le prochain sur les décolonisations —, insister pour que de jeunes chercheurs soient recrutés, pour que des expositions et des films soient faits… et dans le même temps nous allons prendre le temps de vous répondre car nous croyons en la pédagogie des mots, plus qu’à la violence des anathèmes.
Une tribune bricolée, aux sources discutables 
Enfin, nous donnons un conseil : avant de publier une tribune, ayez un minimum de déontologie scientifique : lisez les livres que vous critiquez ; venez aux colloques dont vous parlez ; échangez avec les chercheurs de manière normale sur ces questions. Gardez les tribunes pour de véritables combats pour défendre les valeurs de la République. N’inventez pas des guerres qui n’existent pas et des urgences qui n’en sont pas. Les chercheurs en sciences humaines ont autre chose à faire que de telles tribunes.
Avec de tels oukases, qu’ils viennent des militants racisés et de leurs alliés ou des ultra-républicains, de deux pôles de radicalité en fait, on prépare une belle société de guerre identitaire. Car avec ces ultra-républicains, la République est vraiment en danger. Et surtout, on veut empêcher que des chercheurs puissent trouver une voie médiane entre l’aveuglement sur le passé et la systématisation – évidemment caricaturale – de ses effets contemporains. Qu’ils soient rassurés, nous avons tous des postes, des carrières, des projets individuels et collectifs. Nous n’attendons aucun poste. D’ailleurs, ce que nous mettons en perspective, c’est pour la génération qui vient.
Dans le même temps, nous ne sommes pas aveugles. Certains ultras-radicalisés ont déformé les recherches postcoloniales pour en faire une machine de guerre contre la République et ses valeurs, nous le savons. On les retrouve bien souvent autour des Indigènes de la République (mais pas seulement), un collectif que nous avons critiqué immédiatement et dès sa création — bien avant que Pierre-André Taguieff ou Laurent Bouvet ne s’y intéressent — et dont nous étions les premiers le 16 mars 2005 dans Le Monde à dénoncer les raccourcis et les excès de leur démarche dans une tribune (« Comment en finir avec la fracture coloniale »). À l’époque, nos détracteurs n’avaient même pas compris ce qui était en train de se produire. Et nous sommes d’ailleurs devenus pour les Indigènes de la République leurs « meilleurs ennemis » (opposition verbalisée depuis une tribune de Houria Bouteldja « Au-delà de la frontière BBF (Benbassa-Blanchard-Fassin(s)) » publiée sur le site du PIR le 30 juin 2011.       
Ces croisés de la « bonne pensée » — la journaliste de L’Express les désigne comme des « vigies du sérail scientifique » — ne font pas de détail. Comme ils ne peuvent lutter avec les idées, pratiquement aucun d’entre eux n’a la moindre connaissance ni compétence sur l’histoire coloniale et postcoloniale (Pierre-André Taghuieff n’a jamais intégré la problématique coloniale, pas plus que Laurent Bouvet, Nathalie Heinich est sociologue de l’art, Isabelle de Mecquenem est agrégée et doctorante en philosophie, Véronique Taquin est enseignante et romancière ; seule Dominique Schnapper a travaillé sur les migrations et diasporas, en partie (post)coloniales — et on s’étonne d’ailleurs de sa signature au bas d’un texte aussi caricatural —). Ils sont bien en mal d’évoquer un ouvrage qu’ils n’ont pas lu, ou un colloque auquel ils n’ont pas assisté, au-delà des informations transmises par la journaliste de l’hebdomadaire.
Puisque leur « manque de curiosité » les condamne à n’utiliser que des sources secondaires éparses (non vérifiées) et des ouï-dire, ils ne peuvent évidemment débattre dans les amphis, argumenter par les livres, leur seule option est l’outrance, l’amalgame et la dénonciation de chercheurs postcoloniaux présentés comme de simples manipulateurs. Pour l’un des chefs de file de ce brillant combat des temps modernes, Pierre-André Taguieff, dans son interview qui annonce sa tribune, si ces recherches se développent en France ce sera la « catastrophe ». Pour Dominique Schnapper, « Le monde de l'universalisme intellectuel qu'est le monde de l'université est menacé dans son essence par ce projet ! ». Est-ce à dire que dans tous les pays où se sont développés les Postcolonial Studies, la recherche s’est effondrée ? C’est évidemment grotesque.
Après, que l’on critique toute une partie des Postcolonial Studies, où le jargon le dispute à une utilisation problématique de la terminologie raciale ou à un systématisme qui voit du colonial partout, que l’on s’interroge sur les limites de ce courant, nous en sommes bien d’accord, puisque nous formulons aussi cette critique, comme en témoigne le récent ouvrage publié par Nicolas Bancel (Le postcolonialisme, PUF, Que sais-je ?). Mais là encore, pourquoi s’embarrasser de lire les livres ? Il suffit de prononcer des oukases sans fondement.
Face à une telle volonté d’empêcher ces recherches, l'introduction du colloque du 3 décembre précisait que nous n’avions « pas à nous interdire d'aborder des sujets qui impactent notre société aujourd'hui. Mettre la poussière sous le tapis n'est pas la solution ». La meilleure manière de répondre aux radicalités indigénistes, aux délires communautaristes et aux réactionnaires de la pensée, c’est justement de continuer sur la voie de ces recherches.
Avec une lecture critique, nous insistons, de ce que les Postcolonial Studies ont pu produire dans les sociétés anglo-saxonnes, mais en acceptant de regarder en face ce que nos histoires impériales ont produit et leurs héritages. Il faut poursuivre ce travail critique, ne négliger aucune science humaine ni approches croisées, ni bien évidemment les enjeux politiques, la question sociale ou la place de la « race » dans l’histoire (et notamment celle des empires coloniaux), pour structurer des recherches sérieuses et innovantes sur ces passés complexes.
C’est cela que propose le Groupe de recherche Achac depuis 30 ans, en fédérant des projets, en coordonnant des équipes, en engageant des programmes en multi-partenariat. C’est dans cette perspective que nos ouvrages et colloques, comme nos expositions et films sont proposés. Il faut faire attention à ne pas mélanger ceux qui font de la recherche en utilisant certains des questionnements des Postcolonial Studies et ceux qui prônent un combat décolonial racisé, et ce clairement à des fins politiques, c’est une évidence. Et c’est justement ce que nous faisons et c’est, d’ailleurs, ce que nous reprochent les décoloniaux les plus radicalisés.
Depuis quelques temps, il y a un risque de mélange des genres, et on le voit dans plusieurs dossiers comme dans Marianne avec « Les décoloniaux à l’assaut des universités » ou L’Obs « Le décolonialisme, une stratégie hégémonique », mais aussi dans Le Point, CauseurValeurs actuelles ou Le FigaroVox. Il est nécessaire de bien distinguer ces deux approches, car l’amalgame est justement ce que souhaitent les décoloniaux radicaux. L’équilibre est complexe, nous le reconnaissons, mais nous ne pensons pas comme Gérard Noiriel que les études postcoloniales seraient responsables des « polémiques identitaires » qui ont conduit à « l’extrême-droitisation des esprits ». Bien au contraire, ces recherches peuvent offrir des clés pour comprendre autrement les radicalités identitaires du temps ; les chercheurs postcoloniaux ne sont pas les seuls, mais ils contribuent à penser le monde autrement. Comme le suggère Souleymane Bachir Diagne, il faut chercher le juste équilibre et le juste milieu, entre le radicalisme des décoloniaux et le fondamentalisme des ultra-républicains, et questionner, sur la base de recherches scientifiques, les temps coloniaux durant lesquels les valeurs de la République ont basculé dans un rapport de domination alors « légitime ».
Il faut donc poursuivre ces travaux avec tous les garde-fous nécessaires, sinon il ne restera plus, face à face, que deux radicalités pour nous expliquer le monde dans lequel nous vivons. Et nous serons alors absolument dans les ténèbres. Au cœur des ténèbres. 

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