17/07/2018

Windrush @ 70 : Reportage en Angleterre


Mon reportage sur la génération ‘Windrush’ en GB sera diffusé ce mardi 17 juillet dans l'émission 'Vu d'Allemagne'  sur la DW à 17h TU 





 L’exposition « Windrush, Songs in a Strange Land » à la British Library fait partie des célébration qui depuis fin juin rendent hommage à la culture caribéenne du Royaume-Uni. Le titre vient du nom d’un bateau qui a emmené des travailleurs de toutes les Antilles vers la « mère partie » il y a 70 ans. Mais le contexte dans le pays est difficile et depuis 2005 les débats sur l’immigration ont créé un climat d’hostilité qui a failli gâcher ces moments de fête. Reportage en Angleterre : Mélissa Chemam.   

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« London Is The Place For Me », une chanson de Lord Kitchener du genre calypso, est devenue un emblème de toute une génération. Symbole des promesses de réussite et d’intégration entre les colonies antillaises et la patrie anglaise.

Elle est au centre d’une exposition organisée par la British Library à Londres pour célébrer les 70 ans de l’arrivée de L’Empire Windrush. Ce bateau venu de Jamaïque en 1948 transportait les travailleurs des colonies vers l’Angleterre, venus contribuer à reconstruire le pays après la guerre.

Pour Elizabeth Cooper, commissaire de l’exposition, la musique est un des héritages les plus flagrants de cette arrivée. « Notre section musique s’articule avec le reste de l’exposition, nous avons de la musique d’influence africaine et de la musique indo-caribéenne du début du 20e siècle, du reggae qui est né ici au Royaume-Uni ainsi que du ‘Lovers Rock’, une sorte de résumé de la musique antillaise ».

Spécialiste américaine de l’art des Caraïbes, Elizabeth a aussi voulu mettre l’accent sur l’histoire de l’immigration afro-caribéenne en Grande-Bretagne, qui remonte au XVe siècle.

« Notre approche a été d’avoir un regard critique sur ces commémorations pour se demander ce que la génération ‘Windrush’ signifie socialement, pour regarder d’où elle vient non seulement géographiquement mais aussi culturellement et historiquement. Pour cela, nous avons regardé les impacts de la colonisation, de l’esclavage et de la notion de race sur la société britannique depuis bien plus longtemps que 50 ou 70 ans ». 

Si Londres, avec son fameux carnaval de Notting Hill, est connue dans le monde entier pour sa culture antillaise, de nombreuses autres villes anglaises ont ce même métissage, dont Birmingham, Liverpool et Bristol. C’est dans cette ville du sud-ouest du pays que l’artiste Michele Curtis a eu l’idée de créer une exposition autour de « sept patrons de St Pauls », un des deux quartiers jamaïcains de la ville. Pour mettre en valeur une histoire d’intégration souvent difficile, pour une population qui a souffert du racisme et de la pauvreté, comme l’explique l’adjointe au Maire Cleo Lake le jour de l’inauguration: « ‘Les Bristoliens Noirs Iconiques’ est un projet nécessaire et une inspiration, qui retrace le parcours, la contribution à notre histoire de ces importants acteurs du changement dans notre communauté pour que les jeunes et toute la population puisse connaître leurs apports au progrès de notre ville, Bristol ».

Michele est comme Cléo d’origine jamaïcaine. Elle a toujours été inspirée par les hommes et ses femmes de son quartier qui ont mis en place grèves et manifestations pour se faire accepter et servir de modèles à la seconde génération.

« Mon projet a commencé comme une passion, j’ai dessiné et écrit les biographies pour présenter ces personnes et les faire connaître. J’ai grandi dans une partie de la ville nommé Easton. Il y a ici deux quartiers où se sont installées les communautés noires, St Pauls et Easton. J’ai grandi entouré de travailleurs, d’activistes, des gens qui ont beaucoup fait pour la communauté. Et je suis maintenant mère de deux garçons et depuis quelques années notre quartier a des problèmes de drogues ; ce qu’on entend le plus souvent dans le reste de la ville c’est que ces problèmes ‘viennent de ces jeunes Jamaicains’, ou que c’est ‘vraiment un problème lié aux Noirs’ et qu’il n’y a pas de modèles positifs pour ces jeunes dans leur communauté… Comme si toutes les personnes de couleurs étaient des criminels, des vendeurs de drogue ou ce genre de choses. Et ce n’est vraiment pas mon expérience. Ni celle des autres personnes noires que je connais. Donc je voulais contribuer à changer cette vision. C’est pour ça que j’ai commencé à dessiner ces portraits et à écrire ces biographies pour partager notre histoire. Les clichés perdurent… Et je pense constamment à comment toucher plus de gens avec notre histoire positive et les ‘Bristoliens Noirs Iconiques’ parce qu’il reste beaucoup à faire selon moi ».

Au moment où se préparaient ces célébrations, le Royaume-Uni a plongé dans une crise sociale profonde. Et l’une des illustrations a été le « Windrush Scandale », provoqué par le renvoi dans les Antilles de travailleurs retraités qui vivaient en Grande-Bretagne depuis parfois plus de 60 ans… Un contexte qui a évidemment révélé le racisme parfois persistant jusqu’aujourd’hui, dans un pays souvent loué pour son multiculturalisme passionnant, selon Elizabeth Cooper, de la British Library…

« L’exposition permet de prendre du recul sur le contexte actuel. On voit bien que cette hostilité fait partie d’un long héritage de lutte pour la liberté et l’intégration, et en réponse à des tentatives des gouvernements britanniques d’exclure les descendants d’Antillais. L’exposition met en valeur la lutte pour les droits civiques, ici comme aux Antilles, et cela remet en perspective ce que les gens subissent aujourd’hui. Cela fait partie d’une longue tradition de défense d’un monde plus humain et plus juste dont les Antillais font partie. »

Le 7 juillet a eu lieu à Bristol le Carnaval de St Pauls, qui fêtait ses 50 ans. Et le 26 et 27 août aura lieu celui de Notting Hill. Malgré les préjugés et le contexte social difficile, la culture caribéenne n’a jamais été aussi bien représentée dans le pays.

Mélissa Chemam, à Londres et Bristol, pour la Deutsche Welle.



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Michele Curtis' artwork in pictures, exposed in Bristol in early July 2018:





























Cleo Lake and Michele Curtis, the artist







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