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Musique / World / « Amália, les Voix du Fado »
« AMÁLIA, LES VOIX DU FADO » : POUR L’AMOUR D’UNE REINE
Il y a 15 ans disparaissait Amália Rodrigues, née le 23 juillet 1920 à Lisbonne, surnommée la « Reine du fado » ? C’est elle qui a popularisé ce chant dans le monde, enregistrant plus de 170 disques au cours de sa carrière. Son influence non seulement sur le fado mais aussi sur toute la musique portugaise est considérée comme inégalée. Un disque d’hommage d’une grande ampleur sort ce 10 juillet en version numérique, le 14 août prochain en version physique, initié par le réalisateur français d’origine portugaise Ruben Alves et produit par Universal Music. Reportage à Lisbonne.
Le réalisateur Ruben Alves a vécu le fado plus qu’il ne l’a entendu. Parisien de parents portugais, lors de ses vacances à Lisbonne, le jeune réalisateur de La Cage Dorée a écouté et encore écouté cette musique qui l’a aussi ému et qui ne l’a pas quitté. Et la figure incontournable d’Amália Rodrigues le marque depuis cette enfance.
C’est en rencontrant le producteur Marc Hernandez Monterey que son idée de réaliser un album en hommage à la star du fado, plus de 15 ans après sa disparition, se concrétise. Mais peu aurait pu imaginer mettre en place une telle liste de collaborateurs. Les plus grands chanteurs de la saudade portugaise sont réunis sur le disque Amália, Les Voix du Fado : de sa sœur Celeste Rodrigues, aujourd’hui âgée de 92 ans, incroyable force de vie et de talent, à la jeune Gisela João originaire du nord du Portugal, en passant par les grandioses Ricardo Ribeiro, Carminho, Ana Moura, Camané, António Zambujo, Mayra Andrade et de merveilleux instrumentistes.
Le souvenir omniprésent de la voix d’Amália
Sur la colline d’Alfama, l’un des plus anciens et typiques quartiers de Lisbonne a été dévoilée le 2 juillet une fresque en hommage à la grande chanteuse, réalisée par le graffeur et artiste portugais Vhils (de son vrai nom Alexandre Farto), en présence de Ruben Alves et de plusieurs musiciens ayant participé au projet. L’événement, inauguré par le maire de Lisbonne a surtout été suivi d’un enchanteur concert de présentation de l’album, avec Gisela João, Ricardo Ribeiro et l’impressionnante Celeste Rodrigues.
« Ma sœur me manque bien évidemment mais d’une certaine façon elle reste toujours avec moi, par la musique et par l’amour qu’il y a entre nous », confesse Celeste Rodrigues. « Ce projet est une belle occasion pour moi, pour la célébrer et pour montrer que le fado, s’il semble triste, est tout simplement extrêmement beau, comme la vie ». Toute vêtue de noir, incroyablement élégante, charismatique, Celeste a encore à 90 ans passés une voix d’ange du fado. Elle a commencé sa carrière de fadiste en 1945, six ans après Amália et chante depuis 70 ans.
« Je me souviens très bien du premier jour où j’ai entendu Amália Rodrigues », raconte la joyeuse Gisela Joao. « J’avais 8 ans, je faisais la vaisselle après un repas en famille avec mon père, ma mère et mes six frères et sœurs. Une de ses chansons est passée à la radio et les paroles m’ont serré le cœur : elle y parlait de son sourire, qu’elle se doit d’afficher pour ses proches, même lorsqu’elle ressent de la tristesse au fond d’elle. Cela me semblait tellement profond et très familier ! J’ai commencé à chanter en chœur »…
A 14 ans, puis encore plus à partir de 19 ans, Gisela commence à chanter plus sérieusement, à se produire dans des cafés, même si à l’époque de l’adolescence de la jeune chanteuse, les années 1990, le fado était loin d’être « cool » au Portugal, se rappelle-t-elle. C’est plus récemment que cette musique a repris ses lettres de noblesse et reconquis le cœur des Portugais. Elle est aujourd’hui une véritable institution culturelle, trans-générationnelle.
Cela a été rendu possible notamment parce que les grands chanteurs de fado ont effectué un riche travail de recherche au sein de toutes les influences présentes dans le fado, comme Amália aimait à la souligner. C’est le cas de Ricardo Ribeiro qui ouvre cette musique vers de nouveaux horizons en s’inspirant des rythmes maures, dont la musique a imprégné le Portugal en plusieurs siècles de présence.
Pour son troisième album notamment, Largo de Memória, il a travaillé avec un joueur de luth libanais.
Pour son troisième album notamment, Largo de Memória, il a travaillé avec un joueur de luth libanais.
« Pour comprendre et commencer le fado, il faut d’abord apprendre des prédécesseurs cependant », insiste Ricardo. Et comme pour de nombreux interprètes de ce style musical, Amália a toujours été sa référence. « Mais le fado est un pur produit de la culture portugaise, qui elle-même, je le dis toujours, est un héritage situé entre les cultures romaine et arabe, avec une grande influence mauresque ». Et c’est ce qui fait sa richesse.
Une musique de l’âme, aux influences très riches, mais née des bas-fonds
Au Musée du Fado de Lisbonne, c’est par des instruments, illustrations et documents qu’est raconté comment le fado est né dans le cœur de Lisbonne, entre les chants de prostituées qui se produisaient pour les marins de retour du Brésil ou d’Angola. La passion chevillée au corps, le fado reflète à la fois la nostalgie du pays des voyageurs sur les routes et celles des esclaves transportés par les riches commerçants et transporteurs portugais depuis le XIVème siècle d’Afrique vers les colonies américaines. Il serait né en Amérique latine d’un syncrétisme entre les traditions musicales portugaises, jouées à la guitare notamment, et le fado danse, un héritage afro-américain formé chez les descendants d’esclaves. Au XXème siècle, le fado triomphe à Lisbonne comme la musique reflétant l’âme de la ville.
« Au Portugal, le fado a longtemps été intouchable de ce fait », explique Ruben Alves, « le fait que notre projet soit venu de France a aidé à dépasser les interdits et à réunir d’aussi grands artistes ». Il y a aujourd’hui plusieurs fados et il est difficile de définir strictement cette musique, mais pour tous ces artistes, « il reste l’expression d’un peuple », comme le dit Ruben. « Le fado, c’est la vie, le destin. Il y a donc un fado triste, reflétant la saudade, la mélancolie, mais aussi des fados gais, et des fusions notamment avec le flamenco, qu’adorait Amália ». Pour Ruben, « le fado reflète la tendance fataliste du peuple portugais et le flamenco la tendance conquérante du peuple espagnol, mais les deux se sont souvent rencontrés ». Et il y retrouve toute l’histoire du Portugal, avec ses influences nord-africaines, brésiliennes, ouest-africains, etc. Il résume un peuple complexe, fier de ses racines et valeurs, au mode de vie languissant à mille lieux de la trépidante mondialisation actuelle. « C’est cela qui fait que le fado est redevenu si populaire même chez les jeunes portugais », conclut Ruben.
Alors, pourquoi se priver d’écouter un tel disque ? Véritable voyage dans la poésie et l’histoire du fado, il offre bien plus qu’un hommage à Amália, il lui donne une seconde vie.
Amalia, les plus grandes voix du Fado, Universal Music, sortie digitale le 10 juillet 2015. Dans les bacs le 14 août 2015.
Visuels : (c)Melissa Chemam (Melissa on the Road)
1. Gisela Joao; Concert en hommage à Amalia, Lisbone, au Portas do Sol, Alfama, 2 juillet 2015
2. Ruben Alves avec la soeur d’Amalia, Celeste Rodrigues
3. Celeste Rodrigues
4 & 5. photos du concert
6-9. vues de Lisbonne
1. Gisela Joao; Concert en hommage à Amalia, Lisbone, au Portas do Sol, Alfama, 2 juillet 2015
2. Ruben Alves avec la soeur d’Amalia, Celeste Rodrigues
3. Celeste Rodrigues
4 & 5. photos du concert
6-9. vues de Lisbonne
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