28/06/2016

Post-Brexit thoughts: Robert McLiam Wilson


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BREXIT

Robert McLiam Wilson, écrivain Nord-Irlandais : «C’est comme si des ados inexpérimentés avaient forcé sur la coke»

Par  — 26 juin 2016 à 18:21

«Je me suis souvent demandé ce que ça devait faire, de marcher dans la ville, le lendemain de la prise de la Bastille. Ou (si un tel jour a existé) de la chute de l’Empire romain. Il était comment, le ciel ? Et les rues, bruyantes ou silencieuses ? Le pain avait-il changé de goût ? Que pensaient les gens de tout ce foin ? Je ne me pose plus la question. Maintenant, je sais.
«Ne vous y trompez pas. Le Brexit est un cataclysme. Pour vous aussi. Pour tout le monde. Les Britanniques se sont réveillés avec la gueule de bois du siècle. Même les Brexiters victorieux sont vaguement perdus et consternés. Ce vote, c’est comme une épique beuverie adolescente, un festin débridé d’irresponsabilité et d’excès débiles. De vilains ados inexpérimentés qui ont forcé sur la coke et l’alcool. Ne se souviennent même plus qui ils ont invité, sont à moitié aveugles et sourds. La maison est sens dessus dessous et les parents arrivent à midi. Qu’est-ce qu’on a foutu, qu’ils murmurent, à l’agonie.
«Et maintenant ? Merde alors, je n’en sais rien. Comme aimait à dire William Goldman à propos des coutumes et du mythe hollywoodiens, personne ne sait rien. Nous n’avons jamais été aussi pleinement dans une période de personne-ne-sait-rien. Tout le commentariat est désorienté. Les soi-disant experts ont été instantanément dévalués. Vos économistes, vos politiciens (gauche, droite, centre), vos reporters spécialisés ? Pas la moindre idée. Autant m’écouter moi, ou un mec des Stone Roses. On n’en a pas la moindre idée non plus, mais on n’a pas honte de l’admettre.
«La réaction britannique est spectaculaire. Une version longue de la "nuit des longs couteaux" a déjà pris place aux sièges du Labour et des tories - démissions, renvois, complots. Le sang ne va pas cesser de tacher le tapis politique dans les semaines qui viennent. Une pétition parlementaire réclamant la révision d’un résultat flouté par une marge insuffisante avait déjà réuni 3 millions de signatures dimanche (lire page 7), un chiffre inédit pour ce genre d’initiative. Déjà l’Ecosse se détache fermement du reste du royaume, comme une fille qui, dans le métro, se soustrait avec dextérité à des avances lourdingues. Un nouveau référendum sur l’indépendance est sérieusement possible (et cette fois, pas moyen que les Ecossais votent pour rester britanniques). Hésitante, l’Irlande du Nord s’inquiète quant à son avenir de terre-frontière entre le Royaume-Uni et une Europe désormais étrangère. Pour la première fois de ma vie, je me suis retrouvé en accord avec le parti ultranationaliste Sinn Féin quand ils ont déclaré que le Royaume-Uni avait perdu son mandat de représentation de l’Irlande du Nord. Les accords ont été signés avec un Royaume-Uni européen, pas avec la chose esseulée qu’il est devenu. L’avenir politique de l’Irlande du Nord est profondément incertain et ça n’est définitivement pas un pays fait pour l’incertitude politique.
«Ça me fend le cœur de penser à ce que le Royaume-Uni pourrait devenir. S’il perd le contrepoids de gauche radicale de l’Ecosse (et peut-être un jour de l’Irlande du Nord), il est condamné à une éternité tory, un petit enfer d’économie de marché, de plus en plus petit, inégal et isolé. J’ai toujours eu un faible pour les Anglais (ils sont agaçants, mais ils sont drôles, et j’adore leur équipe de cricket). Mais je n’appartiendrai pas à ce nouvel avorton malformé de nation. Peux pas. Je ne reconnais plus ce pays.
«Je ne sais pas ce qui va se passer. Ni pour le Royaume-Uni, ni pour la France, ni pour l’Europe. Je ne sais même pas ce qui va m’arriver à moi. Ma première pensée à l’annonce du résultat ? Ça prendrait combien de temps d’obtenir la nationalité sud-irlandaise ? Voire française ? Et puis je me suis dit : eh merde, pourquoi être aussi difficile ? Je me contenterai de ce qu’on me donnera. Allô l’Italie, douce Italie ? Je t’ai toujours gardée dans mon cœur, tu lo sai…»
Traduit de l’anglais par Myriam Anderson.
Robert McLiam Wilson écrivain

Link to article: http://www.liberation.fr/debats/2016/06/26/robert-mcliam-wilson-ecrivain-nord-irlandais-c-est-comme-si-des-ados-inexperimentes-avaient-force-su_1462198

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