Mon article sur la foire AKAA, 2e édition, à Paris ce week-end, pour Toute la Culture :
http://toutelaculture.com/arts/la-deuxieme-edition-de-la-foire-dart-contemporain-akaa-sillustre-par-des-themes-forts-et-un-eclectisme-vibrant/
AKAA 2017
La deuxième édition de la
foire d’art contemporain AKAA s’illustre par des thèmes forts et un éclectisme
vibrant
AKAA – pour Also Known As
Africa - est la première foire d'art contemporain et de design centrée sur
l'Afrique en France. Cette deuxième édition s’est tenue du 10-12 novembre 2017
au Carreau du Temple avec pour thème central la guérison.
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Mélissa Chemam
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Le but annoncé de cette foire
thématique est de « partager l’énergie de l’Afrique, prêter l’oreille à sa
rumeur et découvrir sa vibration ». 38 galeries et 150 artistes, venus de
28 pays, ayant tous un lien avec l’Afrique, se sont ainsi réunis sur trois
jours au cœur de Paris pour AKAA 2017. La première édition en 2016 avait attiré
15.000 collectionneurs et amateurs d’art.
Peintures,
sculptures, installations, photographies et pièces de design ont été présentées
par les galeries Ebony, Guns & Rain, Candice Berman et Barnard d’Afrique du
Sud, la galerie LouiSimone Guirandou de Côte d’Ivoire, la galerie First Floor
Harare qui promeut les arts visuels au Zimbabwe, les galeries This Is Not a
White Cube d’Angola et Atiss du Sénégal, la galerie Loft et la galerie 127,
consacrée à la photographie au Maroc, et Aicha Gorji de Tunisie. A cela
s’ajoutent des espaces dédiés à l’art contemporain africain ailleurs dans le
monde, comme les galeries françaises Arts Design Africa ou Angalia (qui
présente les œuvres d’artistes du Congo Kinshasa), ARTCO en Allemagne ou encore
Catinca Tabacaru Gallery aux Etats-Unis.
Parmi
les artistes : le plasticien Bissau-Ghinéen Nù Barreto ; l’artiste congolais Eddy Kamuanga ;
les
photographes éthiopienne Aida Muluneh, ivoirienne Joana Choumali et la portugo-angolaise Mónica de
Miranda ; la plasticienne sud-africaine Jo Rogge ; ou encore le
peintre congolais Patrick Villecocq qui présentait une série intitulée
« The Art of Survival », consacrée au quotidien de la vie d’enfants
déplacés et réfugiés ; pour n’en citer que quelques uns.
Pour le public concerné,
collectionneurs et amateurs d’art, il s’agit d’abord de s’ouvrir à un marché
encore jeune et en pleine expansion. Pour les artistes, outre l’opportunité de
faire voyager leurs œuvres, l’intérêt de ce rendez-vous à Paris est aussi
l’échange d’idées et la mise en avant des défis actuels du continent, à travers
la lecture symbolique et subjective qu’ils offrent, en tant qu’artistes, des
événements qui secouent leurs pays respectifs.
Un fil conducteur : le
rôle de l’art dans la perpétuation de la mémoire et la guérison
Et
le thème majeur qui est sorti de cette deuxième édition d’AKAA est bien celui
de la catharsis. Comment parler du passé ou du présent, quand ils sont
douloureux, marqués par des conflits, traumatismes ou incidents violents, quand
on est un artiste ? Un récepteur puis un passeur d’émotions et d’idée…?
Un
exemple : les installations du jeune Congolais Paul Alden Mvoutoukoulou.
Intitulées « Medecine Blues », reconstituées à partir d’emballages de
médicaments, elles interrogent le rôle de l’art comme moyen de guérison : symbolisant
la maladie de sa mère, les emballages de médicaments se retrouvent sublimés dans
l’œuvre, esthétisés, et sont ainsi utilisés pour former des plans de villes en
trois dimensions.
Les
« rencontres », des débats avec artistes, photographes, curateurs,
ont particulièrement mis l’accent sur le lien entre la création et la guérison.
« L’artiste nous panse, embrasse nos vides et les comble de l’espoir d’un
nouveau jour », annonçait le programme de Victoria Mann, la directrice et
fondatrice d’AKAA.
L’un des moments forts : la
rencontre « Sans haine ni oubli », samedi 11 novembre, modérée par Salimata Diop, directrice de
programmation d’AKAA, accueillant les artistes Joana Choumali et Nù Barreto. Elle est ivoirienne ; lui
bissau-guinéen.
Avec leur art et avec leurs mots, les
deux artistes ont échangé sur leurs raisons de « revisiter un événement
tragique de notre histoire ». Guerre civile, terrorisme : « l’artiste
contemporain peut-il nous rendre la mémoire, et nous guérir ? »
interrogeait cette rencontre. Pour Joana Choumali,
qui a réalisé un travail mêlant photos d’iphone et broderie à la station
balnéaire de Grand Bassam, après l’attentat du 13 mars 2016, son travail est
une réponse dans une société où l’on ne parle pas des « blessures
invisibles », où l’on affirme aux traumatisés : « ça va
aller ». En photographiant les promeneurs de la plage après l’attaque et
en retravaillant les images imprimées en brodant, Joana a voulu « ajouter
de la normalité à des sentiments écrasants », et réussi à créer du lien
malgré le silence.
Nù
Barreto, quant à lui, dessinateur, photographe et plasticien, a toujours, par
ses toiles, recréé un espace pour la douleur collective et les traumatismes de
son pays, la Guinée Bissau, passée par de multiples coups d’Etat.
« J’essaie d’extérioriser ce qui me scie de l’intérieur et de mettre mon
travail d’artiste au service des autres, c’est ma conception de l’art »,
explique-t-il. Ce qui le guide est une envie de retourner visiter l’histoire,
d’aller voir « ce que l’homme fait de mal » et de regarder ses actes
autrement, pour voir ce qui est dérangeant au lieu de le cacher. Il espère ainsi
les transcender. Sa couleur de prédilection, le rouge, qui symbolise à la fois
passion et sang, colère et vie, jonche son parcours, de ses dessins à ses
tableaux et ses travaux photographiques. Il travaille en ce moment à des
portraits de Guinéens en train de crier, pour exprimer ces douleurs enfouies et
mal cicatrisées.
Organisées autour de la commémoration
de l’Armistice du 11 novembre 1918 qui a mis fin aux combats du front ouest de
la Première guerre mondiale, à Paris, et à deux jours des commémorations des
attentats du 13 novembre, ces rencontres ont abordé des thèmes profondément
universels, qui mériteraient d’être aussi adressés dans les foires d’art
occidental…
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