09/07/2013

Souleyman Démé, le 'Grigris' du cinéma africain

Mon portrait du héros de 'Grigris' de Mahamat Saleh Haroun pour Toute la Culture :

http://toutelaculture.com/cinema/a-laffiche/rencontre-avec-souleymane-deme-lacteur-de-grisgris-de-mahamat-saleh-haroun/

RENCONTRE AVEC SOULEYMANE DÉMÉ, L’ACTEUR DE GRISGRIS DE MAHAMAT SALEH HAROUN

9 juillet 2013 Par Melissa Chemam

Il est le héros du seul film africain en compétition à Cannes cette année. Dans tous les sens du terme. Acteur principal de « Grigris« de Mahamat Saleh Haroun, Souleymane Démé a aussi inspiré le personnage du protagoniste et créé les chorégraphies de ce film hors norme, racontant l’histoire d’un Burkinabè à Ndjamena, handicapé, poursuivi par la pauvreté et le mauvais sort et pourtant capable de se sortir de toutes les situations et de les sublimer.
Comme Grigris, Souleymane Démé transcende le malheur. A 36 ans, ce prodige de la break danse a vu sa vie transformée par un réalisateur qui a braqué les projecteurs sur ses dons et sa passion pour la vie. « Tout ce qu’on a fait dans le film, c’est un peu de ma réalité », raconte-t-il lors de sa visite à Paris pour l’avant-première du film. Comme Grigris, Souleymane n’a pas connu son père, a eu une maladie qui l’a rendu handicapé, mais a toujours dansé depuis l’enfance. Il a rencontré Haroun à Ouagadougou, au FESPACO, le plus grand festival de cinéma africain, qui s’est enthousiasmé pour son histoire et son talent pour la danse. « L’équipe est venue chez moi, ils m’ont filmé à mon travail et lors d’une fête de mariage organisée par un ami où je devais danser. Puis ils m’ont demandé de parler, de rire devant la camera ». Et le scenario du film s’est écrit à partir de ces bouts d’essais.
Pour vivre, Souleymane est réparateur de téléphones et électricien. Et comme dans la vie, il répare tout ce qu’il touche. Dans le film, Grigris se retrouve face à la maladie de son beau-père alors que sa mère ne peut plus payer l’hôpital. Le travail, la journée, – à la boutique de couture et de photographie de son beau-père – et la danse, la nuit dans les bars glauques de Ndjamena, ne suffisent pas à subvenir à de tels frais. Alors Grigris s’embarque dans un commerce illégal de bidons d’essence qui le fera mille fois risquer sa vie, alors qu’il tombe d’amour pour une jeune prostituée…
Tout cela, Souleymane a dû l’incarner alors qu’il joue pour la première fois. Il se sert de son habitude de la scène, lui qui danse avec la compagnie d’Irène Tassembédo depuis des années, se souvient de leurs tournées au Ghana, au Mali… La danse, qui a rendu son « pied faible fort », lui ouvre une nouvelle porte. « J’ai dansé jusqu’à oublier que je ne pouvais pas marcher ». Tout comme, dans le film, Grigris lutte dans le fleuve en tirant les bidons d’essence d’un bras, oubliant qu’il ne sait pas nager avec une jambe handicapée. Puis il rebondit et prend le volant pour continuer ce travail de mafieux, sacrifiant sa jeunesse et ses rêves, n’hésitant pas devant les risques et un monde de violence.
« En lisant le scenario d’Haroun, je pensais aux enfants des rues avec lesquels j’ai grandi », raconte Souleymane. « Petit j’étais comme ça, à danser en slip, comme sur la scène sur le toit vers la fin du film, nous n’avions pas assez d’argent pour se payer un pantalon. Avec cette scène, je voulais montrer ce qu’on peut faire handicapé. Car on n’est pas handicapé dans sa tête. On peut faire beaucoup de choses, on est capable de beaucoup de travail ».
Mais la fiction c’est aussi les dialogues et la confrontation avec les autres acteurs. « Dans le cas de Mimi, c’était pas facile », avoue Souleymane. « Il m’a fallu beaucoup de préparation pour les scènes intérieures et intimes. Elle est métisse, pour nous, c’est inhabituel. Mais moi j’aime cette idée ». Et l’amour s’immisce entre ces deux personnages hors norme, Grigris portant chance à tout le monde autour de lui, le menant à surmonter la violence, la perte et le tabou de la prostitution. « Le film a changé ma vie », conclut Souleymane Démé. « Je sais maintenant que tout cela, c’est possible ».
« Grigris » de Mahamat-Saleh Haroun, avec Souleymane Deme, Anaïs Monory, Tchad, 1h40, les films du losange. Sortie le 10 juillet 2013 en France.






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