01/08/2013

FOCUS SUR LE ZIMBABWE


Au Zimbabwe, quelque 6 millions 400 000 Zimbabwéens sont appelés aux urnes mercredi pour des élections législatives, municipales et présidentielle.

Aux côtés de 6000 observateurs zimbabwéens, 600 observateurs étrangers superviseront ces élections générales.
La plupart d'entre eux sont africains - 60 de l'Union africaine, le président Robert Mugabe ayant refusé la présence d'observateurs occidentaux, suite aux sanctions appliquées contre son régime depuis la crise de 2000.

A 89 ans, Robert Mugabe, est au pouvoir depuis 33 ans - depuis l'indépendance du pays en 1980, et se présente pour le 7ème fois.
Son principal rival est son Premier ministre, Morgan Tsvangirai, avec lequel il forme une cohabitation houleuse à la tête du pays depuis les dernières élections de 2008.
Alors que le parti au pouvoir la ZANU-PF n'envisage pas une seconde de perdre ces élections, pour le MDC de Tsvangirai, le scrutin aurait dû être reporté pour être mieux préparé et les preuves de fraudes sont omniprésentes.

Malgré tout, les élections d'annoncent très disputés entre le ZANU PF et le MDC, et le monde se demande si 2013 pourra voir la fin de l'ère Mugabe au Zimbabwe.

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Les accusations de tentatives de manipulations des scrutins se sont multipliées et l'opposition affirme avoir de nombreuses preuves.

C'est le thème qui domine lorsqu'on aborde ces élections.

Les opposants et critiques du régime encourt le harcèlement de la police.
On a pu voir dimanche que même les gouvernants ne sont pas à l'abris : le ministre-adjoint des Transports, Morgan Komichi issu de l'opposition - le MDC, a été arrêté chez lui après avoir révélé la découverte de bulletins au nom du PM Tsvangirai dans les poubelles d'un bureau où le vote anticipé des agents de sécurités s'est tenu les 14 et 15 juillet.

Le porte-parole du MDC, Douglas Mwonzora l'a répété à plusieurs reprises, il a de nombreuses preuves de ces manipulations.

Douglas Mwonzora, porte-parole du MDC :
" Ils ne l'ont pas arrêté parce qu'il a fait quelque chose de mal, mais parce qu'il a fait quelque chose de bien. Donc nous nous attendons à ce qu'il le garde en état d'arrestation.  Cette arrestation a pour but d'écarter le MDC. Nous avons des preuves de fraudes. Leur but est de faire peur aux électeurs et de faciliter les manipulations des voix. "

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MANQUE DE PREPARATIONS

Selon tous les spécialistes du pays, le Zimbabwe de Robert Mugabe a repoussé de nombreuses occasions de mettre en place des réformes démocratiques nécessaires.

Même la SADC - la Communauté d'Afrique australe - s'accorde à le reconnaître.
Une nouvelle Constitution a été adoptée par référendum en mars dernier mais elle n'a pas permis les changements nécessaires.

International Crisis Group a publié un rapport hier concluant qu'aucune des réformes nécessaires n'a été abouti et que les chances que le scrutin soit biaisé en faveur de la ZANU-PF au pouvoir sont très élevées.
Pour le directeur de l'organisation en Afrique Australe, Piers Pigou, cela est dû à une organisation précipitée du scrutin qui devait originellement se tenir plus tard dans l'année.

Piers Pigou, le directeur de l'organisation International Crisis Group en Afrique Australe
" Le Zimbabwe s'engage dans des élections pour lesquels il est fondamentalement mal préparé. Le pays a précipité le processus et n'a pas assez investi dans la construction d'institutions stables et intègres qui permettrait des résultats rendant possible un accord politique acceptable par tous."

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CRAINTES DE VIOLENCE ET DE NON RESPECT DES RESULATS

Peut-on alors espérer un scrutin  transparent qui se déroule dans le calme?

Lors du précédent scrutin, en 2008, Tsvangirai avait obtenu 47% des suffrages, devant Mugabe.
Mais les partisans du chef de l'Etat sortant avaient déclenché une vague de violences, faisant quelque 200 morts.
Face à l'urgence, Tsvangirai avait retiré sa candidature pour le 2nd tour, et a été nommé Premier ministre dans cette cohabitation difficile.

Pour empêcher le scénario de se reproduire, 600 observateurs étrangers seront déployés.

Robert Mugabe a pourtant exclus de laisser entrer des obervateurs occidentaux, voici les raisons invoqués par son porte-parole Rugare GUMBO:

Rugare Gumbo, porte-parole de la ZANU-PF :
"Nous sommes un pays indépendant, un continent indépendant, nous avons ces organisations depuis longtemps, l'Union africaine depuis 1963, la SADC depuis les années 1980, la COMESA depuis les années 80 aussi, nous savons faire depuis longtemps, on organise des élections depuis 1980, et non n'avons jamais vu d'erreur. Notre plus grand problème est que les occidentaux pensent que la démocratie ne peut être atteinte que quand ils sont impliqués dans l'organisation d'élections et selon moi cela est faux".

Et quand on demande à la ZANU-PF si le parti acceptera les résultats en cas de défaite, le porte-parole répond que cela ne peut pas arriver...

Rugare Gumbo, porte-parole de la ZANU-PF :
"Une défaite de Mugabe est impossible, personne d'autre ne peut gagner au Zimbabwe, mais si cela devait arriver, oui, si quelqu'un d'autre gagnait, cela irait, mais tout ce que nous pouvons dire c'est que nous ne pouvons pas imaginer, nous ne pensons même pas que qui que ce soit puisse remporter ces élections à part Robert Mugabe, et avec une majorité écrasante".

Mais le MDC n'a pas voulu boycotté l'élection et n'abandonnera pas en cours de route.
Selon le porte-parole de Tsvangirai, la ZANU-PF cherche à profiter de potentielles violences comme en 2008:

Douglas Mwonzora, porte-parole du MDC :
"Nous sommes déterminés à nous battre pour ces élections, nous sommes déterminés à battre le dictateur et nous n'allons pas abandonner, non, ni nous retirer. Nous savons que la ZANU-PF se prépare déjà à un second tour et ils n'hésiteront pas à encourager les violences durant l'entre-deux-tours. Mais nous, nous ne voulons même pas envisager un second tour".

Le MDC se dit sûr de remporter le scrutin présentiel ainsi que la majorité au Parlement.
Il appelle la Communauté internationale à aider à assurer la transition.

Leur programme : ramener le Zimbabwe au sein de la communauté internationale et attirer des investissements étrangers pour relancer l'économie.

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ECONOMIE

L'économie justement, c'est bien le plus grand échec de la ZANU-PF.

La réforme agraire lancée en 2000 par le président Robert Mugabe  a exproprié les anciens colons de leur ferme - et provoqué un spectaculaire effondrement de la production agricole.

Les partisans de Mugabe souligne qu'elle a permis l'émergence d'une classe de fermiers noirs dont les conditions de vie se sont largement améliorées ; et le pays compte deux fois plus de fermiers qu'avant 1980.

Mais sur le plan des résultats, les conséquences négatives ont largement fragilisé l'économie du pays, qui à son indépendance semblait avoir des atouts conséquents tels ses sols fertiles et ses mines riches en diamants.

Fin 2008, l'inflation a atteint les 250 000 000% au point que le pays a dû abandonner sa monnaie et recourir au dollar américain et au rand sud-africain.
En plus des 4000 fermiers d'origines européens chassés du pays, on estime que 2 mio de Zimbabwéens ont quitté le pays pour trouver du travail à l'étranger.

Selon Jeffrey Smith, chercheur sur le Zimbabwe au Centre Robert Kennedy pour la Justice et les Droits de l'Homme, les questions économiques ont été au centre des rassemblements des deux partis.

Jeffrey Smith :
"L'économie ne s'est clairement pas améliorée, elle a reculé. Et cela est dû essentiellement à la ZANU PF et au président Mugabe. Et ils ne sont pas dans la meilleure position pour améliorer l'économie. De son côté, le MDC n'a pas encore fait ses preuves. Certes le ministre des Finances et le secrétaire général du parti ont fait un bon travail pour redresser le PIB depuis 2008, avec la dollarisation et la hausse des investissements intérieurs.
Cependant, vu l'histoire du pays, je ne vois pas la ZANU PF mettre en place un programme qui fonctionnerait au bénéfice de tous et pas seulement de ses partisans".

NB. La production agricole zimbabwéenne autrefois florissante reste très en dessous de ses niveaux des années 1990.
Début 2013, le Programme alimentaire mondial (PAM) estimait que 1,7 million de Zimbabwéens, soit un cinquième de la population rurale, avaient besoin d'une aide alimentaire d'urgence - dans un pays qui fut longtemps le grenier à blé de l'Afrique australe.

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CONCLUSION

Le scrutin s'annonce malgré tout forcément serré...

Oui car Robert Mugabe reste populaire et incarne la défense des droits des indigènes après des décennies de privilèges injustes. Il faut rappeler que l'ex-Rhodésie du Sud n'a obtenu son indépendance par rapport au Royaume-Uni qu'en 1980, après une lutte acharnée contre les anciens colons restés dans le pays et qui rêvaient d'un modèle à la sud-africaine... Pour certains, Mugabe incarne toujours cette Afrique combattante.


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