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[CRITIQUE] LA MARCHE DE NABIL BEN
YADIR FAIT COURIR LA MÉMOIRE DES
CITOYENS
Librement inspiré des événements réels de 1983 – les noms des
protagonistes ont par exemple été changés – , La Marche de
Nabil Ben Yadir était un film très attendu et a déjà emballé les
spectateurs des avant-premières. Fictionnel, un peu romancé,
mais reposant sur les faits historiques avérés, le film agit, prend
au cœur et aux tripes, mais devrait susciter quelques débats.
Pour le pire, mais surtout pour le meilleur.
Note de la rédaction :
Election du Front national aux municipales à Dreux le 11 septembre, affrontements opposent policiers et jeunes dans le quartier des Minguettes à Vénissieux, dans la banlieue de Lyon, meurtres racistes récurrents, l’année 1983 avait mal commencé pour les Français issus de l’immigration. Quand l’un d’entre eux reçut une balle dans le ventre d’un policier dans le même quartier des Minguettes, au lieu d’accepter la proposition de son voisin, français mais tout autant ostracisé que lui en tant qu’habitant de cette cité décriée, de le venger, il rêve d’organiser une marche, « comme Gandhi et Martin Luther King ».
Voilà l’histoire dont est parti l’acteur et réalisateur belge d’origine marocaine, Nabil Ben Yadir pour son dernier long métrage, ‘La Marche’, une suite d’évènements forts, dramatiques et incroyablement cinématographique en effet.
Présenté en soirée de clôture au Festival Maghreb des Films, le long-métrage a été ovationné. Et c’est compréhensible, même s’il y était présenté devant un public presque conquis d’avance. Avec des acteurs au meilleur d’eux-mêmes (brillant Olivier Gourmet, si convaincants Tewfik Jallab, Lubna Azabal, Hafsia Herzi, et même Charlotte Le Bon !), l’histoire prend comme une délicieuse sauce, immédiatement, travaillant sur la dérision, l’humour, l’énergie, ne se prenant pas au sérieux et maîtrisant sa sincérité en emmenant cette petite troupe de marcheurs improbables de Lyon à Marseille pour commencer un combat que beaucoup veulent croire perdu d’avance, mais sans bons sentiments larmoyants.
Le rythme est ensuite le point fort du film, qui évite les longueurs et le sentimentalisme en se construisant sur quelques rebondissements violents, émouvants. Les personnages sont assez subtils et complexes pour représenter un patchwork intrigant de cette France du début des années 1980 : une jeune fille de famille musulmane modeste mais brillante étudiante, un prêtre actif comme travailleur social aux Minguettes, un leader charismatique, une photographe lesbienne, des racistes violentes, des provinciaux solidaires de la cause et généreux, et quelques agents de renseignements infiltrés. Seul le personnage interprété par Jamel Debbouze jure au milieu du tableau : trublion plaqué, nerveux, bruyant, il ne semble exister que pour servir de faire-valoir à son interprète, somme toute loin d’être mauvais, mais complètement importé dans une histoire qui n’a pas besoin de lui…
La marche, les faits sont connus ou méritent de l’être, démarrant très modestement à Marseille, du quartier de la Cayolle, arriva à Paris en décembre 1983, triomphante de plus de 100 000 participants et de la réception des jeunes ‘marcheurs permanents’ par le Président François Mitterrand. Un film qui donnerait encore plus de souffle d’espoir si la marche se passait 20 ans plus tard… Malheureusement, le contexte actuel sur la question du racisme en France, rend l’optimisme sur le sujet peu de mise. Et le choix du réalisateur de ne pas dire un mot sur les années qui ont suivi et vu se diviser le mouvement pèse un peu sur les esprits. Les marcheurs se sont en effet toujours senti trahi par les mouvements associatifs qui ont suivi à l’instar de SOS Racisme.
Mais La Marche reste un film coup de poing, sur un thème particulièrement sensible, entraînant, et au jeu d’acteurs très travaillés. Sa seule faille est de s’attaquer à un sujet particulièrement délicat, sans vouloir le politiser, ce qui ne manquera surement pas de faire débat chez les uns ou les autres.
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La Marche, de Nabil Ben Yadir, avec Olivier Gourmet, Tewfik Jallab, France, 2013, En salles le 27 novembre.
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Bande-annonce :
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