Tribune - Paris, 1er novembre 2012
Je ne suis pas
musulmane. Pas selon mes propres critères : je ne pratique pas cette religion. Je pourrais me désintéresser du problème,
voire m’éloigner le plus possible du débat. Certains, aujourd’hui, en France,
en profiteraient même pour rejoindre le mouvement d’acharnement. Mais cette
semaine, les haineux ont dépassé les bornes.
Ancien ministre,
candidat à la direction de l’Union pour un Mouvement Populaire, l’UMP,
Jean-François Copé a initié il y a peu le mouvement de défense des ‘pains au
chocolat’, accusant les musulmans de terroriser les enfants français, les
privant par simple influence et épouvante du traditionnel goûter très français,
par la pratique trop suivie du ramadan, un mois par an, dans certains
quartiers d’agglomérations de grandes villes françaises.
Cette semaine, le
magazine d’information Le Point en rajoute sur le dossier des musulmans-tous-coupables
en publiant sa une sur ‘L’islam sans gêne’, illustrée par une femme portant un
niqab – voile intégral – noir et enveloppant, complété de gants noirs et épais.
Voici la une présentée par le blog de Pascal Riché du site Rue89 peu avant
sa sortie en kiosque :
Je ne suis pas
musulmane, mais comment ne pas réagir en voyant une large partie de la
population française visée, caricaturée et marginalisée par une presse qui
n’est même pas sensée être radicale ou xénophobe, mais centriste ou
traditionnel. Comment comprendre qu’un (ancien) homme d’Etat, un élu, appelle
ses électeurs à juger responsables de la plupart des maux du pays une autre
partie de leurs concitoyens ? Pour une partie de musulmans extrémistes, prosélytes
et antirépublicains, combien en France ne font que pratiquer leur religion dans
le respect et les valeurs de la laïcité ? Est-il bien nécessaire alors de
susciter le rejet et la haine leur encontre, dans leur globalité, et contre
toute personne française ou étrangère d’apparence musulmane ou originaire d’un
pays nommé dans l’actualité seulement pour être aujourd’hui musulman ?
Affirmer que la pratique du rite du ramadan par un groupe de parents dans un
quartier entraine la peur pour tous les petits enfants français non musulmans,
chrétiens ou autres ou athées, d’être attaqués parce qu’ils mangent leur
gouter, du simple fait qu’ils côtoient à l’école des enfants de musulmans,
n’est pas seulement ridicule, c’est outrageux. Et ne se souvient-on pas tous
des conséquences de tels appels à la stigmatisation et à la haine de l’autre
pour ses pratiques religieuses ou supposées origines
à
caractère religieux
connoté ?
L’expert et
chercheur Pascal Boniface parle de « Course à l'islamophobie ». Jean-Yves Camus, politologue, diplômé de l’Université Paris I Sorbonne,
chercheur associé à l’IRIS, a justement publié la réflexion suivante la même
semaine, le 28 octobre, dans un quotidien algérien, que voici :
Spécialiste des nationalismes et extrémismes en Europe,
il parle d’islamophobie en France et nous y présente les extrémistes
identitaires français. Voici l’extrait de son analyse s’appliquant a notre
cas : « La droite populaire, la droite forte,
Jean-François Copé, assument tout à fait leur choix idéologique d’orienter
l’UMP vers une droite décomplexée qui utilise les thèmes de l’Islam, de
l’immigration et du «racisme anti-blanc» pour reconquérir l’électorat du FN,
sans lequel la droite ne peut pas espérer gagner une élection. La nouvelle
formation de Jean-Louis Borloo, l’UDI, ainsi que François Fillon à l’UMP refusent
cette droitisation qui peut faire fuir les électeurs centristes et libéraux ».
N’est-il pas clair que ces attitudes, déclarations
et effets de presse ne peuvent que nuire à la cohésion sociale, insulter une
population déjà largement discriminée ou marginalisée – ne le nions pas - et
encourager l’exclusion ?
Je le répète, je ne suis pas pratiquante, d’aucune
religion, même si des très proches le sont, mais je vis dans un pays où,
enfant, le climat ambiant encourageait les Français d’origine arabe à le
cacher, et où de nos jours, leurs enfants apprennent, adultes, l’arabe à
l’université pour étudier les évolutions dans ce même monde arabe. Je vis dans
un pays où pour prôner l’intégration des minorités dans les médias, certains
créent des écoles en banlieue pour jeunes des banlieues au lieu d’envisager de
les admettre dans celles des élites qu’ils ont autrefois dirigées… Lire les
détails ici : http://www.strategies.fr/actualites/medias/194966W/un-master-de-journalisme-favorisant-la-diversite-ouvre-a-gennevilliers.html Un pays fait de plafond de verre et de discriminations à l’apparence. Et
ce pays a longtemps été surnommé le ‘pays des droits de l’homme’. Quel dommage.
Mais nous ne sommes pas obligés de laisser faire et d’encourager cette tendance
en laissant Le Point et les Jean-François Copé faire entendre un discours
qui stigmatise trop souvent injustement certains d’entre nos concitoyens.
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