02/12/2013

ICG sur la Centrafrique : recommande une intervention, "de la dernière chance"


Centrafrique : l’intervention de la dernière chance

Présentation : 


Nairobi/Bruxelles  |   2 Dec 2013

Alors que la République centrafricaine (RCA) fait face à une crise qui pourrait prendre des proportions dramatiques, la communauté internationale doit trouver le moyen le plus rapide et le plus efficace d’assurer la sécurité de la population.
Central African Republic
« Force est de reconnaitre qu’en Centrafrique la solution africaine que chacun appelle de ses vœux ne pourra se passer d’un appui extérieur plus intense et plus rapide ».
Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale de Crisis Group
Dans son dernier briefing, Centrafrique : l’intervention de la dernière chance, l’International Crisis Group se penche sur l’échec de la transition qui a suivi le coup d’Etat de mars 2013. Durant les neuf derniers mois, ce qui restait de l’Etat centrafricain s’est effondré avec de graves conséquences humanitaires (400 000 personnes sont déplacées et presque la moitié de la population a besoin d’aide humanitaire). Après plusieurs mois de passivité et à la suite de tueries, la communauté internationale a pris conscience des conséquences de la faillite de la RCA. Malheureusement, la détérioration de la situation est bien plus rapide que la mobilisation internationale et Bangui est au bord de l’explosion.
Les conclusions et recommandations principales du rapport sont :
  • Pour éviter que la RCA ne se disloque complètement, il faut que la communauté internationale s’engage et apporte une réponse sécuritaire immédiate. A cet effet, le Conseil de sécurité des Nations unies devrait autoriser une opération de sécurisation internationale menée conjointement par l’Union africaine et la France (sous chapitre 7) afin de rétablir l’ordre public à Bangui et progressivement ramener le calme dans les zones d’affrontement en province.
  • Les tensions entre les communautés chrétiennes et musulmanes sont aujourd’hui très fortes et ont conduit à des massacres. Les Nations unies ainsi que les bailleurs devraient très rapidement mettre en œuvre des mesures de stabilisation telles que des initiatives de dialogue interreligieux et des projets de reconstruction dans les zones victimes des affrontements et des pillages.
  • Alors qu’une grande majorité des combattants de la Seleka sont toujours armés à Bangui et dans les provinces, les Nations unies et les autorités transitionnelles doivent lancer très rapidement la première phase de désarmement, démobilisation et réinsertion pour offrir une porte de sortie aux combattants avec l’appui financier de l’Union européenne et de la Banque mondiale.
  • Pour assurer une stabilité à long terme en RCA, il faut établir un système de gouvernance efficace et inclusif à l’échelle nationale : ce processus de longue haleine requiert un soutien sans faille de la communauté internationale tout au long de son déroulement et, surtout, le rétablissement de l’ordre public.
« Ce qui est sûr c’est qu’on voit aujourd’hui un conflit non religieux au départ prendre une forte tournure confessionnelle violente », explique Thibaud Lesueur, analyste pour l’Afrique centrale à l’International Crisis Group. « La RCA est pour le moment ingouvernable et les autorités de transition, les chefs religieux et les organismes de la société civile appellent à l’aide ».
« La situation actuelle en Centrafrique est un véritable test pour l’architecture de paix et de sécurité », dit Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale. « Plus de dix ans après la création de l’architecture de paix et de sécurité, force est de reconnaitre qu’en Centrafrique la solution africaine que chacun appelle de ses vœux ne pourra se passer d’un appui extérieur plus intense et plus rapide ».
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Briefing Afrique N°962 Dec 2013
SYNTHESE
Durant les neuf derniers mois, ce qui restait de l’Etat centrafricain s’est effondré avec de graves conséquences humanitaires (400 000 personnes sont déplacées et presque la moitié de la population a besoin d’aide humanitaire). Le gouvernement de transition et la force de sécurité régionale ont été incapables de freiner la chute dans l’anarchie aussi bien en zone rurale qu’en zone urbaine et notamment à Bangui. Après plusieurs mois de passivité et à la suite de tueries, la communauté internationale a pris conscience des conséquences de la faillite de la RCA. Malheureusement, la détérioration de la situation est bien plus rapide que la mobilisation internationale et Bangui est au bord de l’explosion. Dans l’immédiat, le Conseil de sécurité devrait fournir un mandat sous chapitre 7 à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (Misca) épaulée par les forces françaises pour rétablir l’ordre dans Bangui dans un premier temps puis se déployer dans d’autres villes. Par la suite, la réconciliation religieuse devrait être privilégiée et des mesures de stabilisation devraient être appliquées.
En juin 2013, l’International Crisis Group mettait en avant le risque que la République centrafricaine (RCA) devienne ingouvernable. Ce risque est dorénavant réalité. La Seleka, une coalition armée très hétéroclite composée de combattants musulmans et qui a pris le pouvoir en mars 2013, s’est disloquée en une multitude de groupes armés qui commettent de nombreuses exactions et provoquent la réaction de milices d’autodéfense et un conflit confessionnel.
La Centrafrique est aujourd’hui confrontée à trois défis : à court terme, restaurer la sécurité et l’ordre public et fournir une aide humanitaire d’urgence ; à moyen terme, mener à bien la transition politique qui doit durer dix-huit mois ; à long terme, rebâtir l’Etat. La transition et la reconstruction de l’Etat ont pour préalable le retour d’une sécurité minimale. Tandis que l’instabilité a déjà atteint la frontière camerounaise, la combinaison du ressentiment religieux et de l’impuissance des autorités de la transition est la parfaite recette pour des affrontements meurtriers entre la population et les groupes de la Seleka, notamment dans la capitale.
L’option de stabilisation choisie (le déploiement d’une mission de maintien de la paix de l’Union africaine, Misca, qui repose sur les troupes d’une mission présente depuis 2008) n’est actuellement pas efficace et, après la mission d’évaluation technique des Nations unies menée en octobre 2013 et la décision française de renforcer sa présence militaire sur place, il y a un consensus général sur la nécessité d’une réponse sécuritaire d’urgence. Le Conseil de sécurité prépare actuellement une résolution qui doit être adoptée très rapidement.
Dans l’immédiat, les mesures suivantes devraient être adoptées :
  • Le Conseil de sécurité devrait autoriser, grâce à un mandat sous chapitre 7, la Misca, soutenue par les forces françaises, à utiliser tous les moyens nécessaires pour stabiliser le pays. La mission devrait avoir pour priorité la restauration de l’ordre public, la protection des civils, la fourniture d’aide humanitaire et la surveillance des violations des droits de l’homme. D’autres pays devraient également fournir des appuis logistiques (notamment des moyens de transports) ainsi qu’un soutien en matière de renseignement, en coordonnant leur action avec la France et l’Union africaine.
  • Les forces disponibles sur place (Misca et troupes françaises) devraient être renforcées et engagées pour rétablir l’ordre dans la capitale en appui des forces de sécurité nationale résiduelles, en quadrillant la capitale et en contrôlant les entrées et les sorties de Bangui et en favorisant le redéploiement des forces de police et de gendarmerie nationales qui ont déjà repris possession de certains commissariats occupés auparavant par les éléments de la Seleka.
  • Une fois Bangui sécurisée, les forces de l’Union africaine de la Misca et les troupes françaises devraient étendre l’opération de sécurisation aux villes déjà victimes d’affrontements entre la Seleka et les groupes d’autodéfense et où les tensions entre chrétiens et musulmans sont vives ainsi qu’aux axes principaux, notamment celui qui relie la capitale à la frontière camerounaise.
  • Le Conseil de sécurité, après avoir adopté la résolution sous chapitre 7, doit garantir la fourniture rapide de ressources supplémentaires, notamment en matière logistique et pour conduire des patrouilles nocturnes, afin d’assurer le déploiement rapide et complet de cette mission. Au même moment, l’UE et l’UA devraient rapidement trouver un accord pour financer les troupes de la Misca.
A moyen terme, il est nécessaire de :
  • Mettre en œuvre, sous l’égide des Nations unies et avec l’appui financier des bailleurs, des initiatives de dialogue interreligieux et des projets de reconstruction urgents dans les zones d’affrontement et plus particulièrement dans les villes où les chrétiens et les musulmans vivent maintenant séparément.
  • Lancer sans tarder la première phase du programme de désarmement, démobilisation et réintégration (cantonnement et désarmement) pour les combattants de la Seleka, établir une équipe d’enquêteurs chargés de mener des investigations sur le pillage des ressources naturelles du pays, soutenir la commission mixte d’enquête et déployer rapidement des équipes de reconstruction locale.
Le Conseil de sécurité devrait continuer de suivre la situation centrafricaine et considérer sérieusement la transformation de la Misca en une force de maintien de la paix des Nations unies si cela s’avère nécessaire. Une baisse de la tension sécuritaire dans la capitale, un retour à la normale dans certaines agglomérations de province et la reprise du trafic routier et des échanges économiques entre la capitale et des provinces devraient permettre d’envisager le défi de moyen terme, c’est-à-dire mener à bien la transition. Pour ce faire, les recommandations politiques du précédent rapport de Crisis Group relatives à la conduite de cette transition parmi lesquelles l’envoi d’une mission électorale exploratoire des Nations unies, la mise en œuvre d’une réforme du secteur de la sécurité et d’une réforme des finances publiques restent pertinentes. Mais alors que la RCA est aujourd’hui au bord du gouffre, il faut en priorité mettre tout en œuvre pour restaurer la sécurité.
Nairobi/Bruxelles, 2 décembre 2013

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