Ma critique pour Toute La Culture :
http://toutelaculture.com/spectacles/theatre/emmanuel-meirieu-adapte-sorj-chalandon-pour-la-scene-des-bouffes-du-nord/
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Emmanuel Meirieu adapte Sorj Chalandon pour la scène des Bouffes du Nord
Mon
traître forme avec De Beaux Lendemains – présenté aux
Bouffes du Nord en juin 2011, un diptyque. Une suite sur le deuil impossible :
après celui des quatorze enfants tués dans un accident de bus scolaire, chez
Russell Banks, celui – tout aussi impossible – de l’ami qui vous a trahi dans un
combat pourtant déchirant, la Guerre d’Irlande du Nord dont s’est emparé Sorj
Chalandon. Les deux textes se veulent une ‘oraison funèbre’, un ‘rite funéraire’,
entre la mort et le souvenir que la vie doit continuer.
C’est le soir de
la première. Déchirant le pénombre, un faisceau de lumière claire, nocturne,
plus brouillon de brouillard que rayon lunaire, et au sol, un corps allongé,
recouvert d’une couverture. Une voix d’enfant raconte un conte qui n’en est pas
un : il était une fois une jolie princesse qui vivait heureuse dans un
château, avec son prince… Mais quand l’histoire commence trop bien, il faut
s’attendre au pire, semble dire la voix tremblante, apeurée. Et à chaque
naissance d’un enfant, des blocs de pierre se détachent de leur château,
emportant un peu de leur insouciance, jusqu’au chaos… Une fable à l’envers, qui
prédit de cette histoire qui va nous être contée sur scène.
Emmanuel Meirieu
est un méticuleux du texte. Sa représentation tirée de De Beaux Lendemains de Russell Banks était un trésor de précisions
et de sensibilité, recentré sur quelques personnages réincarnés, et sur l’art
du récit, un art d’autant plus juste qu’il s’agissait de reconstituer les faits
d’un accident de bus scolaire qui plonge toute une communauté dans le chaos.
Son spectacle adapté de deux romans de l’écrivain et journaliste Sorj
Chalandon, Mon Traitre et Retour à Killybegs, fonctionne sur le même procédé.
Le théâtre l’annonce d’ailleurs comme la suite du diptyque entamé par De Beaux Lendemains. Ici, le premier
narrateur nous emmène en Irlande du Nord. Antoine, le petit français, est un
des meilleurs amis de Tyrone Meehan, héros de l’IRA, l’Armée républicaine
irlandaise, qu’il connaissait et aimait depuis des années. Mais lui, son fils,
sa femme, découvre que le héros était en fait devenu un agent des ennemis, les
Britanniques. Alors qu’Antoine
nous raconte comment l’amitié est bafouée par la trahison, son fils nous
racontera ensuite comment la morale et la confiance volée font souffrir plus
que la mort elle-même… Et enfin, bien sur, dans une longue troisième partie,
c’est le fantôme de Tyrone qui racontera… l’inracontable.
Dans cette
pénombre a peine éclairée de brume, sur une scène de théâtre, c’est toute la
guerre fratricide, infigurable, innommable, qui nous rend visite avec ses
fantômes, des prisons britanniques, où les prisonniers qui se veulent
politiques refusent tout le peu de dignité qu’accorde le statut de prisonnier
de droit commun, aux champs de batailles où meurent les héros et naissent les
coupables. Et sur la tête de Tyrone planent incessamment les souvenirs qui font
de la vie de guerrier un traumatisme, les cris d’une mère, la petite sœur
sauvée des attaques et descentes de police, le départ d’un frère, la mort du héros,
la faute, le meurtre, le sang, et le choix de la trahison, et toutes les peurs
d’un enfant qui grandit au milieu d’une guerre.
La salle garde un
silence lourd et de mise pour cette première. Le texte est dur, sublime,
l’interprétation grandiose. Mais ne subsiste aucune lumière…
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